Littérature québécoise : la nouvelle génération
Maison fondée comme Le Quartanier en 2006, mais cette fois à Chicoutimi (prouvant ainsi qu’au Québec comme ailleurs il y a une vie hors de la capitale), La Peuplade est un autre acteur essentiel du renouveau de l’édition canadienne francophone (dont le débarquement sur nos rives, à l’instar de l’enseigne montréalaise, est lui aussi encore frais). Son catalogue fait la part belle à la poésie, comme le démontrent quatre publications d’auteures nées dans les années 80 (et d’un auteur de la même génération), signant là leur premier ou deuxième livre (à l’exception de Marie-Andrée Gill, jouissant déjà d’une forte reconnaissance locale en tant qu’« icône de la poésie autochtone »). S’il fallait absolument leur chercher un point commun, ce serait celui d’un lyrisme assumé et discret, trouvant ses racines et une bonne part de son matériau dans l’enfance et sa perception particulière du réel ; un lyrisme s’exprimant dans une langue directe, capable de ne pas faire la moue devant l’oralité, envisageant la métaphore moins comme une gymnastique que comme une voie d’accès privilégiée au sensible. On serait tenté d’y lire une certaine influence de la poésie américaine, elle aussi capable de profondeur dans (l’apparente) simplicité ; on y trouvera, en tout cas, une attitude devant la langue parfois bien différente des tendances générales de la poésie française contemporaine. Si la forme y a indéniablement son importance, celle-ci ne prend jamais le pas sur l’expression d’une singularité qui assume sans crainte, pleinement, d’user et abuser d’un « je » et d’un « tu » lyriques que d’aucuns croiraient surannés et qui démontrent pourtant ici une belle fraîcheur (quand bien même au prix, par moments, d’une certaine naïveté de ton). C’est dans les vieux pots qu’on fait les meilleures recettes, dit l’adage, mais il se peut parfois que lesdits « pots Masson » (l’équivalent québécois de nos « bocaux ») se révèlent moins vieux qu’on ne le pensait.
Expo-Habitat, premier livre de Marie-Hélène Voyer, propose, en cinq sections que l’on pourrait envisager comme autant de « chants », une exploration du territoire québécois jouant des contrastes entre monde rural et urbain. Ainsi passe-t-on de la « Ferme familiale » aux « Routes, autoroutes, boulevards » pour finir en « Territoires et échappées ». Une poétique du déplacement est constamment à l’œuvre dans un livre qui alterne sans heurts les courts poèmes et les blocs d’une prose ramassée et ne craint pas le recours à la liste ou à l’énumération, afin d’explorer avec un « fort sentiment optique », même si « l’œil n’absorbe plus rien », « la conscience sourde d’habiter l’Amérique sans pourtant y être pleinement », de passer d’un lieu à l’autre dans « quelque chose comme l’arrière-cour de l’Amérique » : « Maintenant c’est écrit “ville”, les boulevards s’étirent. Les perspectives changent, les choses se multiplient. Centres commerciaux. Hôtels. Motels. Lofts. Gîtes. Auberges. Résidences. Manoirs. Bed and breakfasts....