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Histoire littéraire À la tienne, Yonnet !

novembre 2016 | Le Matricule des Anges n°178 | par Didier Garcia

Poète des rues, l’auteur de Rue des maléfices cherche dans Paris les troquets tenus par des Auvergnats. Une exploration rafraîchissante.

On avait peut-être fait un peu trop rapidement de Jacques Yonnet l’auteur de ce seul petit miracle qu’est Rue des Maléfices (qui parut en 1954 sous le titre Enchantements sur Paris). C’était condamner au tiroir les quelque 700 chroniques (excusez du peu) qu’il a tenues pour sa rubrique hebdomadaire dans L’Auvergnat de Paris. Une expérience « chroniqueuse » qu’il entendait réunir en un vaste ouvrage qui ne vit jamais le jour (son titre avait des allures de somme : Paris ma légende), et dont les éditions de L’Échappée proposent ici une sélection (une soixantaine de textes, rédigés entre 1960 et 1970, et classés par quartiers parisiens).
Le propos de Yonnet était des plus simples : retrouver les « distingués Auvergnats » qui, après avoir quitté leur Massif central natal, sont intervenus de façon déterminante dans la géographie bistrotière de Paris.
Ces retrouvailles sont, pour le chroniqueur, autant de bonnes occasions pour aller visiter le passé. Aussi à l’aise avec l’Histoire qu’avec sa propre vie, il nous dit mieux que personne les beaux métiers d’hier, du gaveur de pigeons au compteur-mireur (chargé de vérifier la qualité des œufs), du bombeur (« qui aplatit le bréchet des canards pour leur donner une apparence dodue ») au tasseur, « qui élève les pyramides de légumes sur les bancs et les trottoirs ».
Ces chroniques se trouvent donc à la croisée des chemins, faites de considérations historiques, d’anecdotes, d’évocations qui font la part belle à la légende et de souvenirs que Yonnet détache de son propre passé (sans en faire tout un plat, simplement pour illustrer son propos). Tout s’enchevêtre joliment, à vrai dire on ne sait trop comment (cela paraît fagoté à la diable et pourtant l’ensemble a plutôt belle tenue), grâce peut-être à un savant mélange d’érudition et de légèreté. Et comme il refuse de se prendre au sérieux, c’est toujours bien dosé.
Dans ce Paris qui a largement disparu, nous surprendrons au comptoir quelques « pratiques » (autrement dit des clients) aux noms parfois prestigieux (qu’il lui est arrivé de côtoyer d’assez près) : Catulle Mendès, Toulouse-Lautrec, Paul Fort, Mac Orlan, Audiberti, Desnos, Carco, Fargue, Monfreid, Hemingway… Mais les sybarites anonymes valent presque davantage le détour : ainsi le ferronnier d’art Jojo-la-Courtine, ou le père Louis de la « Mouftaga », pour n’en citer que quelques-uns.
Sans en avoir l’air, sans le crier sur tous les toits (Yonnet n’aurait pas mangé de ce pain-là : il y avait l’humilité d’un Fargue chez ce flâneur), c’est une belle enquête sociologique que cette anthologie patiente donne à lire en filigrane. Microcosme qui en vaut bien d’autres, le troquet en dit long sur ceux qui le tiennent, et plus encore sur ceux qui le fréquentent. L’habitué par exemple, car quand on vient en habitué dans un café, « on est quelqu’un de reconnu. On est quelqu’un. C’est peu de chose, et c’est immense. »
Sans doute convient-il de lire ce florilège en attendant la chronique à venir comme Yonnet affirmait attendre le beaujolais nouveau : « d’un gosier avide et curieux de toute chose ». Notre curiosité se trouvera d’ailleurs bien payée en retour : pas une page ici susceptible de nous faire bâiller d’ennui, malgré le caractère inévitablement répétitif des chroniques. À chaque nouvelle aventure bistrotière (dans laquelle Yonnet nous embarque en deux ou trois phrases), nous voici confrontés à une défense du bougnat, du caboulot et de la ville (ou plutôt « l’infraville »). Une défense qui nous dit aussi que cette culture du café est fragile, susceptible de s’effacer, et donc à consommer sans modération.

Didier Garcia

Troquets de Paris, de Jacques Yonnet
L’Échappée, 368 pages, 22

À la tienne, Yonnet ! Par Didier Garcia
Le Matricule des Anges n°178 , novembre 2016.
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