La lettre de diffusion

Votre panier

Le panier est vide.

Nous contacter

Le Matricule des Anges
ZA Loup à Loup 83570 Cotignac
tel ‭04 94 80 99 64‬
lmda@lmda.net

Connectez-vous avec les anges

Vous n'êtes actuellement pas identifié. Pour pouvoir commander un numéro, un abonnement ou bien profiter, en tant qu'abonné, des archives en ligne, vous devez vous connecter avec votre compte.

Retrouver un compte

Vous avez un compte mais vous ne souvenez plus du mot de passe ? Vous êtes abonné-e mais vous vous connectez pour la première fois ? Vous avez déjà créé un compte, peut-être, vous ne savez plus trop ?

Créer un nouveau compte

Vous inscrire sur ce site Identifiants personnels

Indiquez ici votre nom et votre adresse email. Votre identifiant personnel vous parviendra rapidement, par courrier électronique.

Informations personnelles

Pas encore de compte?
Soyez un ange, abonnez-vous!

Vous ne savez pas comment vous connecter?

Poésie Par quelques bords

juillet 2016 | Le Matricule des Anges n°175 | par Emmanuel Laugier

Avec Brefs, Pierre Alferi propose la reprise de « discours ». Propositions limpides et claires, élégances des articulations, voyagent de la poésie au cinéma de Tati.

Dans Brefs, Pierre Alferi nous donne à entendre des choses très perspicaces, tout en remettant à l’endroit (au cube) des objets d’étude, parfois légers, parfois supposés graves par leur sujet (le vers, l’image, les figures) qui furent mal vus et mal dits, c’est-à-dire parfois péremptoirement dictés ou passivement admis. Ces objets, qu’ils soient ceux du langage et de ses usages dans la littérature générale, des arts visuels (cinéma, dessins, mise en espace) ou numériques, Pierre Alferi les approche sans polémique, avec douceur et tact, pour en révéler quelques aspects, et en éclairer bords et biais les plus saillants, ceux que la discrétion souvent cache aux grandes démonstrations pompeuses, ambitieuses et académiques. Cette logique de sens, Brefs la déploie donc, par un esprit de déduction qui mêle suavement empirisme et savoir, sans jamais aucun surplomb. Un exemple d’allure que le trop méconnu Charles-Albert Cingria, convoqué par l’auteur plusieurs fois avec bonheur, ne manquait sans doute pas d’avoir, jusqu’à concentrer dans sa bonhomie apparente les tours d’une écriture fantaxique impressionnante. Par ce néologisme, Alferi rappelle une des forces de Cingria : « La fantaxe, c’est le fantasque dans la syntaxe. On pourrait traduire en anglais : funtax. Le fantasque est une qualité très rare, dans les livres comme chez les gens, beaucoup plus rare que l’imagination, qui est pâle en comparaison. C’est l’art du contre-pied. (…) C’est la godille. (…). Charles-Albert Cingria, écrivain suisse, digressif, déambulatoire, a écrit dans cette fantaxe plusieurs milliers de pages que personne ne lit. Il accumule les adjectifs à l’anglaise, formant de nouvelles espèces de noms syntaxiquement agglutinés comme des cristaux. Il use sans cesse du démonstratif – adjectif et pronom – dans le but très particulier de reprendre une chose mentionnée comme s’il s’agissait d’une chose vue pour la soumettre à deux traitements parallèles : celui de l’imagination (il regarde, il voit de l’autre dans la chose même), et celui du déplacement de point de vue (il s’éloigne, il arrive en vue d’autre chose)  ».
Cette combinaison dynamique est sans doute pour Pierre Alferi le modèle d’une façon de réfléchir, de lire, de voir, d’écrire et d’entendre comment les plans de compositions bigarrées d’œuvres se font. L’art du déplacement, en vue d’arriver vers autre chose, à partir d’une chose vue (commune, sous la main, passagère, voire usée), Brefs en fait son moteur d’approche pour chacun de ses objets d’étude. Pas d’astuce et d’habileté fine dans la démarche, plutôt la naïveté pensive et sentimentale de l’honnête homme, qui approche, s’étonne, questionne, analyse et discerne : la réponse faite à la question de la surdétermination du vers face à la prose (enquête posée) est pesée sans a priori mais vite révélée comme faux problème, voire anachronisme (la distinction des genres étant obsolète) : « en renonçant au culte maniaque du vers comme unité et de la métrique comme arsenal de règles, on ne perd pas l’essentiel, qui est le rythme. Tout poète digne de ce nom, qu’il utilise la prose ou non, ne s’adonne à rien d’autre qu’à un travail rythmique, évidemment », l’important, est-il encore écrit, étant « une potentialité poétique, (…) une velléité de fuite et de suspens, de répétition et de retournement, qui apparaît comme un profil furtif  ». Ailleurs une méditation sur le « bref » (art de la nouvelle), tel que dans ses formats supposés la twitterature et autres supports numériques les utilisent, passe au tamis la suffisance avec laquelle les « effets de la « tournure courte  » ne sont pas comparables à ceux de la brevitas dans le registre moral  », par exemple, ou encore combien la « césure anarchiste  » du modèle de la nouvelle en trois lignes de Félix Fénéon est rarement atteinte… de quoi s’interroger sur les flash fiction et autres smokelong stories d’aujourd’hui… et du lieu réel où se trouvent aujourd’hui les novelistes.
Enfin, on pourra faire le lien entre ce que relève Alferi du film Trafic (de Jacques Tati), du retard pensé aux révolutions rêveuses en passant par le comique périphérique ou le mimétisme général, et les Neuf pistes pour présenter la Revue de littérature générale, dont ceci, bande ouverte programmatique : « un texte est aussi fait de petites perturbations, de petits tourbillons, de petites boucles, de petits balanciers qui affectent le sens, les rythmes ou la syntaxe et sont immédiatement perçus comme relativement autonomes (…) on a une pelote qui épaissit, un huit qui s’élargit, une oscillation qui se décale  ». Au travail !
Emmanuel Laugier

Brefs (discours) de Pierre Alferi
P. O. L, 251 pages, 17

Par quelques bords Par Emmanuel Laugier
Le Matricule des Anges n°175 , juillet 2016.
LMDA PDF n°175
4,00