Lire Fabrice Melquiot, c’est comme prendre l’air du large, ça tonifie, ça vivifie, ça ouvre l’horizon et l’espace. Dès la première page, nous chavirons dans un ailleurs jubilatoire. Münchhausen est malade, il a le syndrome qui porte son nom, caractérisé par un besoin de simuler une maladie dans le but d’attirer l’attention ou la compassion. Son fils, car l’auteur imagine qu’il a un fils du nom de « Moi », vient lui rendre visite à l’hôpital, il est accueilli par la réplique suivante : « Grimpe donc, rejeton pâle en short à pois, au destin vague et vaguelettes, à la bave prompte à m’asseoir au milieu du gué ! Grimpe et lève le poing ! ». Et ce jour-là, le fils n’en peut plus, « je n’en peux plus de te rendre visite et de faire semblant de partir pour l’Égypte ou la Russie, pour la Lune ou le centre de la Terre, je n’en peux plus de voir des cyclopes là où il y a un téléviseur, (…) et que tu puisses prendre une gélule ou un comprimé pour un boulet de canon ça me rend fou tu comprends ». C’est le moment que choisit le père pour mourir en évoquant la mère de « Moi », dans sa maison blanche et bleue près du rocher de Gibraltar. « Moi » et son ami, « Mon seul pote », vont alors partir pour Gibraltar, accompagnés du fantôme de Münchhausen, d’une infirmière et de « L’Inconnu au bataillon ». Avant d’arriver à destination, ils vont bien évidemment faire quelques détours par la Lune ou l’intérieur de l’Etna. Au cours de ce voyage, le fils va renouer avec la fantaisie et la possibilité de réinventer le réel. « En quoi l’imagination, le fantasme, le mensonge (peut-être) sont-ils les premiers outils de vérités à venir ? s’interroge Fabrice Melquiot. Et si ce qui est imaginé aujourd’hui est prouvé demain, comment transmettre aux enfants, à la jeunesse, le goût de l’invention, cette faculté d’agir au-delà de lois préétablies, de protocoles identifiés, de cadres étouffants ? » Il nous invite, comme Münchhausen, à être au meilleur de nous-mêmes : « Je vous veux volontaires et fous, je vous veux puissants et joueurs, je vous veux insolents, révoltés, sauvages et nobles à la fois, vous dépassant comme jamais ! » Joli programme.
L. C.
MÜNCHHAUSEN ?
DE FABRICE MELQUIOT
L’Arche / Am Stram Gram, 90 pages, 11 €
Théâtre Münchhausen ?
janvier 2016 | Le Matricule des Anges n°169
| par
Laurence Cazaux
Un livre
Par
Laurence Cazaux
Le Matricule des Anges n°169
, janvier 2016.