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Dossier Louis Guilloux
Bouffer de la finitude

juillet 2014 | Le Matricule des Anges n°155

Je n’ai découvert Louis Guilloux que tard. Je savais que Le Sang noir était un grand livre, on me l’avait plusieurs fois dit. Mais l’aurais-je jamais lu ? Je l’ai trouvé dans une librairie de Dakar, au Sénégal, où j’habitais alors, quelques jours après le coup de fil m’annonçant que Là, avait dit Bahi allait recevoir ce prix. Je l’ai lu presque d’une traite. Saint-Brieuc pendant la guerre de 14, Ziguinchor dans la chaleur de mars 2012, le contraste était rude. Je me rappelle avoir peiné au début, m’être senti gêné, tenu à distance du livre, peut-être par le gouffre géographique et temporel, l’ambiance étouffante de cette petite ville de province éloignée du front. Sans doute aussi – surtout – par le pathétique outrancier de Cripure : les chiens, la crasse, la puanteur, la difformité, la haine des bourgeois et du prochain, la peau de bique, la perte de Toinette partie avec un autre, la compagne « goton », les quolibets des élèves. Sans doute tout cela cumulé heurtait-il en moi quelque chose d’inapte à tant de noirceur, un attachement involontaire et pathologique – celui de notre époque tout entière – à la gagne, au panache, aux héros même déglingués, aux défaites nobles, si vraiment il faut perdre.
Et puis je suis arrivé à la scène du café, au milieu du livre : Cripure seul avec lui-même. Le moment où, me disais-je, le martyrisé va enfin se retrouver, reprendre son assiette, regagner un peu d’allant. « Garçon. –Hop ! –Un verre Anjou. –Feu ! » Et là comme un gouffre, un précipice ouvert. Cette violence supplémentaire faite à notre besoin de consolation : le néant. Nulle rédemption. Nul salut. Cripure extralucide. S’examinant plus sévèrement que quiconque. Se condamnant d’un verdict sans appel. « Je n’ai pas su agir, je n’ai rien su prendre. À présent je suis vieux, laid, infirme, seul, malgré… l’autre. Battu à plates coutures. Encore n’ai-je pas le droit de me dire battu, puisque je n’ai pas livré bataille. Je n’ai le droit de rien. Je ne suis rien. Rien que l’un d’eux. » Cripure se mettant une mine, s’assommant jusqu’à faire taire en lui toute pensée, toute musique – seul moyen d’éteindre enfin la parfaite conscience de sa propre nullité. « Garçon. –Hop ! –Un verre Anjou ! –Feu ! » Cripure se massacrant, se réduisant à l’état de légume. Bouffant sa défaite jusqu’au dernier gramme, sans consolation ni faux-semblant. Négativité plein pot.
Si Louis Guilloux joue parfois pour moi un rôle d’horizon, si à certains moments il m’aide à me dire ose, c’est toujours à partir de cette scène : leçon d’absolu désaffublement, de descente dans le nu, d’affrontement radical à l’universelle vanité.
Pendant mon séjour à Saint-Brieuc, on m’a raconté cette histoire sur Georges Palante, le modèle de Cripure. Apprenant que le « grand Gide » venait de placer une phrase de lui en exergue de ses Caves du Vatican, il n’avait pu contenir cette réaction : « Peuh ! il a voulu se foutre de ma gueule. »

Sylvain Prudhomme

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