Claude Louis-Combet de chair et d'ombres
C’est une chose peu aisée que de naviguer à même l’œuvre de Claude Louis-Combet. À l’origine figure la trajectoire d’un ascète en devenir, son noviciat rompu et son inclinaison pour les humanités. Un homme discret donc, tout à la fois familier des textes fondateurs des Pères de l’Église et épris de la mystique du 17e siècle. Né en 1932 à Lyon, celui qui allait poser des années plus tard la pierre angulaire de la mythobiographie entre en religion en 1950, chez les Pères du Saint-Esprit. Une formation intellectuelle qui sera celle du tiraillement et de la révélation à l’égard d’Ovide ou de Mircea Eliade, de Kierkegaard comme de Chestov. Un rapport ambigu avec la Bible creusera le sillon qui le conduira à des études de philosophie, sonnant le glas des années où il lisait « sous le manteau Sartre et Nietzsche ». L’annonce de la mort de Dieu sera prise très au sérieux, ainsi qu’un funeste anathème. « Je savais qu’en rompant les attaches avec la foi, j’allais me trouver dans une solitude et une douleur que rien ne pourrait remplacer », explique Claude Louis-Combet.
S’il reconnaît qu’il fallait en passer par là, comme en gage d’une authenticité métaphysique retrouvée, il suit un exil vers les terres moins arides de la philosophie classique, ainsi qu’un court mais « intense passage vers les spiritualités de l’Extrême Orient », avant de redécouvrir les spiritualités chrétiennes, monastiques et classiques. Tandis qu’il épouse une carrière d’enseignant, l’écriture devient pour lui une affaire secrète et occulte, ainsi qu’une aspiration à l’intériorité. Entre fantasmes et réalités, dans le terreau de son enfance religieuse et émotionnelle, il puise la matière pour écrire un premier texte sublime de désespoir et de justesse – une œuvre à la langue ambitieuse : Infernaux Paluds, publié aux éditions Flammarion en 1970. Un récit qui s’empare des rêveries marécageuses et fantasmagoriques, transfigurées au regard du substrat biographique. Louis-Combet joue avec les codes du réel : de son itinéraire personnel, il conservera l’absence du père et le décor lyonnais, mais fera disparaître l’ultime figure de la mère – laissant l’enfant désespérément seul dans une France en pleine guerre. Reste pour le jeune Michel l’errance de l’éternel abandonné, la crise de la foi et l’expérience de la séparation du pénitent perpétuel. Le lecteur est invité à même l’extase d’un trajet retour vers cette mère archétypale, végétale et animale, océanique et pur objet d’amour, lieu où tout a commencé. C’est à partir de ces motifs que le tisserand mystique esquissera ses variations, déclinées de texte en texte, dans les profondeurs des strates inconscientes de la connaissance de soi – dans l’expérience des passions humaines, quand l’œuvre au-dedans en appelle à l’au-delà des formes.
Ainsi en va-t-il des vies imaginaires qui s’en suivront. Claude Louis-Combet bâtit une œuvre à l’épreuve des frontières. Il en sonde inlassablement la porosité. Il arpente des terres...