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Choses vues Tant de choses à se dire

avril 2010 | Le Matricule des Anges n°112 | par Dominique Fabre

Je n’avais jamais vu un tanker d’aussi près depuis la visite scolaire du pont de Tancarville, il y a trente ans bien tapés de cela. à la médiathèque de Martigues, dos au canal : tout à coup un bateau gros comme un immeuble est venu nous frôler sans bruit dans les lumières du soir, le pont au bout pour le laisser passer fait penser à un grand héron, ou encore à d’autres ponts dans les villes futuristes de vieilles bandes dessinées, à des grands escogriffes en fer qui viendraient nous tuer dans nos rêves. On a passé une bonne soirée. Je suis arrivé à Marseille, où j’ai bu mon premier café en terrasse de l’année ! Vu la première jeune fille en jupe courte et tee-shirt, elle se roulait une cigarette, puis elle l’a allumée en fermant les yeux - soleil. à croire qu’on est arrivés au bout ? Quel bout ? Je ne sais pas vraiment quel bout. Autour du vieux port et dans le quartier du Panier, des gros tas d’ordures. à chaque fois qu’on voit des gros tas d’ordures autour des containers faits pour, on se dit qu’il y a quelque chose d’important à comprendre à propos de Marseille. Ça fait toujours autant plaisir de descendre les grands escaliers de Saint-Charles, et de pouvoir toucher du bout des yeux les gros bateaux tout silencieux, de revoir ses amis. Après, il faut bientôt rentrer chez soi (il y a toujours un moment où il faut rentrer chez soi).

Deux trois bourgeons qui poussent, par la fenêtre de la cuisine, dans la rue du Château des Rentiers. Un pigeon a fait son nid sur le petit balcon. C’est tout. Quand l’hiver dure trop longtemps on aurait envie de fermer les yeux et plusieurs jours après, réveil : dehors les arbres sont tout verts, et on est beaucoup plus heureux ! Le dimanche du premier tour des élections, je suis allé voter dans l’ancienne école de mes mômes Porte de Charenton, un type y traînait son gosse qui ne voulait rien entendre. Je veux pas aller à l’école ! Je veux pas aller à l’école ! Puisque je te dis que non, tu vas pas à l’école, c’est pour aller voter ! Le môme a réfléchi environ 8 secondes et demi. Ben j’veux pas aller voter, j’veux pas aller voter ! Il a continué de hurler, du coup le père est passé en urgence car le môme braillait tant qu’il bousillait les élections ! Il est ressorti en serrant son doudou contre lui, il avait eu très peur cet enfant-là.

Là-bas j’étais un peu ému en fait, je crois bien. J’aime bien retourner à l’école de mes mômes, celle d’avant. Voter est bien aussi. La tête qu’on fait dans l’isoloir, et puis, dans la file juste avant, les réjouis prennent tous les bulletins et d’autres plus décidés n’en choisissent qu’un, on invente des excuses farfelues pour dire que non, on adorerait mais ce soir on ne peut pas aider au dépouillement du scrutin. Les jolies jambes de l’isoloir sont-elles de gauche, de droite, de-ci de-là ? Dehors j’ai bu un café au comptoir à l’Atlantico. ó Atlantico ! Des types y jouent aux cartes depuis 1980. Il y a la retransmission d’un match de foot de Porto, de Bilbao, ou parfois de Macao. La serveuse se maquille, d’abord les lèvres, puis les yeux, puis les lèvres. Elle a un papillon bleu clair tatoué sur l’épaule droite. Faut être juste : personne que je connais ne traînait dans le coin. Pas grave. On devait se revoir une semaine après, les anciens voisins et nous, enfin : et moi. On se croit toujours plus nombreux qu’on est, de mémoire. J’ai seulement aperçu des têtes connues de loin. Je n’ai même pas pris le PC2 pour rentrer. J’ai seulement marché trente minutes jusqu’à ma bonne vieille porte d’Ivry. Oh baby ! J’étais content de la retrouver. J’avais pris trop de trains ces derniers temps. était-ce dans celui pour Lyon qu’il m’avait fallu me tartir des rappeurs, des vieux routiers qui avaient tous au moins 30 ans ? Ils parlaient trop fort dans le train, ensuite ils sont partis manger, j’ai faim mon frère, ouais, cousin, j’ai faim ! avant de revenir et de broder encore sur leur sujet préféré : l’oseille mon frère, le blé, cousin ! Fin de l’histoire des rappeurs du Tgv. Comme quoi c’est bien parfois de rester tranquille, à voir comme ça ne change pas, ici, ou un peu seulement, et la plupart du temps, pour rien.

Mon voisin le jardinier ramasse les mégots des gros cendriers sur le trottoir de l’Inserm, pour faire sa tambouille contre les pucerons. C’est près de la bibliothèque Melville, sur le trottoir de gauche rue de Tolbiac, qui est la limite du quartier dans sa vie. Il va plutôt vers la banlieue voir ses copains au petit square des dominos. Quand on lui offre une clope il s’offusque évidemment, il ne récupère pas des mégots pour fumer, c’est contre les pucerons ! Comme on a eu une grosse tempête ce mois-ci il a beaucoup de choses à faire, déjà nettoyer le terrain de toutes les saloperies qui se sont déversées, faire de nouveaux tuteurs, désherber… Parfois il se balade avec un jeune garçon. Sera-t-il son successeur comme jardinier de la petite ceinture ce môme-là ? Ils ont ressorti les tables au Boru’s café, au café Prune aussi. Au Boru’s, la patronne est très belle, ses cheveux teints depuis peu noir de jais. Elle était sa première cliente hier matin, il faisait bleu clair, pas trop froid, assise toute seule sur sa terrasse inoccupée. Je ne voulais pas la déranger. Du coup je suis allé jusqu’au Rallye, rue de Tolbiac, mais les tables étaient déjà prises par des étudiants et des gens à ordis, alors bon. Je suis rentré par la petite Chine de Paris, ça bouchonnait sévère devant l’entrée du supermarché des frères Tang : les condés font du chiffre avec les autos mal garées. Il faudrait que je fasse mes vitres un de ces quatre. On devait toujours faire les vitres au printemps par chez moi, en banlieue. Maintenant j’adore ça ! Bientôt il y aura des feuilles aux arbres et le soleil qui rentrera sans tache de doigts par les carreaux de la rue du Château des Rentiers. Ça me fait plaisir de vous y attendre, c’est qu’on a tant de choses à se dire, quelquefois.

Tant de choses à se dire Par Dominique Fabre
Le Matricule des Anges n°112 , avril 2010.
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