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Avec la langue Un peu plus près des étoiles

juillet 2008 | Le Matricule des Anges n°95 | par Gilles Magniont

Avec vingt ans d’avance, la troupe Gold avait trouvé la formule de l’art contemporain.

La trentaine détendue fait danser ses enfants au rythme des djembés, les chapelles ruissellent de mises en voix, Mathilde Monnier reprend du rosé : voici venue la saison du spectacle vivant. Mais les joies du live recouvrent le verso non moins solaire des festivals : le Programme, prose dédaignée comme la servante qui n’aurait d’autre rôle que de nous mener à sa maîtresse, la représentation. Or c’est dès les rives du rédactionnel que le désir d’art peut être comblé, en témoignent les deux cents grammes d’Avignon 2008, œuvre en soi dès son premier paragraphe. Valérie Dréville « ne veut pas s’isoler dans une pratique individuelle dont la stérilité serait totalement étrangère à sa nature, elle qui aime par-dessus tout partager » :
le portrait est beau, donnant de meetics contours à Valérie qui la joue pas perso.
Ce n’est pas rien, éclairer en quelques mots le propre audacieux des artistes : voici Romeo Castelluci qui « n’hésite pas à aller à la rencontre du public », voilà Sidi Larbi Cherkaoui qui « n’hésite pas à creuser la violence des corps ». Rencontre du public, violence des corps : de quoi faire reculer plus d’un homme.
Et les œuvres sont pareillement sondées. Soit l’apparent fil rouge de
la programmation : « produire du sens dans le regard du spectateur ». Attention :
du sens est une chose mystérieuse. On ne sait pas toujours à quelle source
il s’abreuve (« Même pour ceux qui ne l’ont jamais lu, ce texte fait sens »), et il faudrait appartenir à l’Ordre du Naze pour croire qu’il a partie liée avec le jugement (chez Joël Pommerat, « pas de dénonciation, pas de jugement, pas de morale mais un contact avec l’intime » ; quant à Shakespeare, « il ne s’agit pas ici de juger mais d’analyser des mécanismes en restant à hauteur d’homme »). C’est en tout cas quelque chose qu’on attrape en questionnant (« des textes », « la pratique théâtrale », « le champ du politique ») puis en faisant entendre (« les voix « , » des paroles », « quelques chants »). À ce jeu-là, le meilleur sera sans doute l’Homme-Voyelle Ivo van Hove : « Au plus près du texte original, il fait entendre ces questionnements ». Oui, AU PLUS PRÈS « de l’homme », « des mots », « de ce qui se construit et se détruit », « des préoccupations de son époque », « du plateau » : du sens est caché dans la préposition. Un qui l’a trouvé, c’est Arthur Nauzyciel. Il « témoigne toujours de sa volonté de faire entendre les textes au plus près de leur sens, dans un travail au plus près de l’intimité de l’acteur » : la métamorphose du slip, pour ainsi dire. À ce stade de répétition, on soupçonne un logiciel hongrois derrière la brochure. Mais non, des êtres humains rédigèrent, comme Antoine de Baecque.
Voilà pour la tendance lourde. Sinon, il y a les habitués : « cirque en tensions », « théâtre de l’urgence », performances inouïes : « on l’a vu s’entretenir trois jours avec un porc, pour évoquer un certain désarroi face aux tensions entre l’Irak et les États-Unis ». Et puis, l’air de rien, parmi les « emplois » traditionnels de la Troupe (élaboration du dispositif sonore, sculptures en scène, concepts esthétiques), l’apparition d’un vrai mystère inédit :
la proposition. Ainsi, sous le titre La vierge rouge : « une proposition de Laure Adler ». Et dans le corps de l’article : « Laure Adler (…) propose, avec la comédienne Anouk Grinberg, une lecture mise en espace ». Certains disent : c’est par ce terme de proposition que le Milieu désigne aujourd’hui les projets. Il est permis de penser qu’il recouvre quelque chose de bien plus fort. Qu’il y a eu une après-midi, moment triste et doux où Laure feuillette un livre. Elle regarde par la fenêtre, elle écoute les bruits du dehors, la rumeur de la demi-saison - elle est avertie des tourments du corps comme des déflagrations du monde. Après avoir un peu rêvé, elle prend son téléphone, celui-ci antique et filaire ou dernier cri, mais dans ce cas elle en sait la vanité et que George Bush est un sale type. Elle compose un numéro intime. Nous sommes juste derrière son épaule, à proximité des pores. Elle n’appuie presque pas sur les touches. À peine un tiii tiii, mettons t t. Une voix femme répond, peut-être qu’elle aussi boit du thé, japonais. Ça y est, ça advient, c’est déchirant : Laure propose.

Un peu plus près des étoiles Par Gilles Magniont
Le Matricule des Anges n°95 , juillet 2008.
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