Seule sur scène, « en peignoir élimé », Aphrodite entame un long monologue où prend corps sa vie et d’où surgissent les personnages qui la composent : son mari, Jonas, et l’inspecteur de police, Mironton. Aphrodite leur donne voix, en polyphonie, comme s’ils provenaient de son souvenir lointain.
Par un traitement burlesque et cruel, Aphrodite est devenue une ménagère dépressive, habituée aux calmants pour apaiser son angoisse, et qui dissimule sous le maquillage et le rouge à lèvres ses bleus, ses lèvres tuméfiées ou ses blessures à l’âme. En effet, le mari d’Aphrodite boit : Stanislas Cotton a entrepris de faire référence au personnage biblique comme à un symbole d’intériorité menaçante en inversant le rapport entre le monstre marin qui engloutissait le prophète récalcitrant de l’Ancien Testament, et le mari alcoolique, devenu prisonnier du ventre de sa bouteille d’alcool.
Un instant envisagé comme amant potentiel, l’inspecteur Mironton n’est alors que la figure possible du sauveur. Son nom illustre également dans la pièce une tendance aux jeux verbaux, à la fantaisie et aux comptines un peu trop répétitives auxquelles se livre une Aphrodite que le désespoir a rendu puérile et qui chantonne les « papous papas et les papous pas papa » qu’elle voudrait bien « emmener dans les bois ». En multipliant les signes évidents d’un type, celui de la femme en perdition, Stanislas Cotton peine parfois à créer un personnage réellement original. Il touche pourtant juste dans cette rencontre entre l’éternel amoureux de la déesse grecque et le drame contemporain, qui donne à sa pièce une ambiguïté certaine.
Le Ventre de la baleine de Stanislas Cotton
Lansman, 82 pages, 8 €
Théâtre Aphrodite sous calmant
juillet 2008 | Le Matricule des Anges n°95
| par
Etienne Leterrier-Grimal
Aphrodite sous calmant
Par
Etienne Leterrier-Grimal
Le Matricule des Anges n°95
, juillet 2008.