La première phase d’apprentissage est en train de se terminer, explique Sylvie Gracia. Il faut maintenant pérenniser la collection et la faire évoluer. » Sonnons donc l’heure du bilan en ces temps intermédiaires : depuis son lancement en 1998, « La Brune » a publié 29 auteurs et 45 livres, dont 28 premiers romans. « Ce n’est pas grand-chose », juge l’éditrice, responsable également du roman jeunesse au Rouergue (« Zig Zag » et « DoAdo »). Mais les chiffres parlent d’eux-mêmes : voilà une collection qui encourage les premières fois. « La Brune », ce moment où le jour baisse, porte son titre comme un gant : elle arpente des versants d’écritures plutôt intimes, autant de lignes de fuite qui disent la confusion des sentiments ou la fragilité des filiations. Ce qui n’empêche pas de faire entendre et la violence sourde du monde, et le galop de l’imagination. On se souvient du beau texte de Michèle Sales sur les prisons (La Grande Maison) ou encore celui d’Antoine Piazza, Roman-fleuve, qui peut se lire comme « une autobiographie déguisée, celle d’un écrivain raté : voilà tous ces grands personnages de la littérature qui me font vivre ». On se souvient de la force de frappe d’un Pascal Morin, dont le troisième roman est attendu à la rentrée ; et des premiers pas de Claudine Galea, Julien Bouissoux, Claudie Gallay, Isabelle Rossignol, Karine Reysset, Arnaud Rykner…
Avant d’ouvrir le bal des débutants, et après une enfance dans l’Aveyron suivie d’une formation de journaliste (CFJ, promo 1982, avec Marie Desplechin), Sylvie Gracia exerçait ses talents de « mercenaire » dans la communication et la presse d’entreprise. Rencontre à Paris, dans les bureaux d’Actes Sud, propriétaire du Rouergue depuis 2005.
Dans quelles conditions avez-vous rejoint Le Rouergue ?
J’ai rencontré Danielle Dastugue au printemps 97 lors d’une signature à La Maison du livre, la librairie de Rodez, dont Le Rouergue était propriétaire. Je venais de publier mon premier texte, L’Été du chien, à L’Arpenteur. Étant originaire de l’Aveyron, j’avais assisté au développement de la maison d’édition, notamment son secteur jeunesse créé par Olivier Douzou en 94. Il y avait là un véritable travail de création autour du graphisme, du rapport texte/image. On ne prenait pas les enfants pour des imbéciles…
À la fin d’une rencontre-débat, Danielle m’a demandé si je pouvais l’aider à créer une collection de littérature. Je lui ai répondu : « Oui, bien sûr ! » Je n’avais jamais travaillé dans l’édition.
Créer une collection de littérature chez un éditeur à dominante jeunesse n’impose-t-il pas certaines contraintes ?
J’avais carte blanche. Il fallait ramener des textes dans une structure qui existait déjà. Je n’avais rien à perdre dans l’histoire. Ce fut une chance, même si après coup, ce furent des années assez angoissantes. Publier un livre, ça représentait quelque chose pour moi. Le livre est un objet sacré. Je n’avais jamais imaginé faire ce...
Éditeur Rêves de brune
juillet 2006 | Le Matricule des Anges n°75
| par
Philippe Savary
Créé par Danielle Dastugue, Le Rouergue fête ses vingt ans. L’occasion de voir comment a grandi la collection de littérature dirigée par l’écrivain Sylvie Gracia, un lieu accueillant pour les premiers romanciers.
Un éditeur