Un livre

mat

de Anne Serre

Editions Verdier

Dans le tarot, « le mat » est ce curieux vagabond équipé d’un bonnet à grelots, d’un baluchon et d’un animal indéfinissable. Le mat est le coup final des échecs et le surnom d’un parrain de la pègre marseillaise, Jacky le Mat, connu pour l’aisance avec laquelle il défouraillait. Pour Anne Serre, Le.Mat c’est la figure ambivalente du tarot (de Marseille également), cet errant qu’elle a croisé un jour sur un chemin de montagne, dans ses lectures (Hamelin, le Mistigri, Orphée), celui qui s’insinue dans ses livres à son corps défendant, cet errant qui la trouble et dont elle a fait le sujet du récit qu’elle apporte à la collection « L’Image » d’Alain Madeleine-Perdrillat.
Ce Mat-là, si l’on peut dire, appartenait à un jeu qui fut transmis naguère à l’auteur par un ami. Depuis, la carte trône sur son bureau dans toute son étrangeté. On ignore d’ailleurs jusqu’au bout pourquoi Le.Mat se déplace avec un point serait-ce le contenu de son mystérieux baluchon ? mais on sait désormais ce que pour la romancière et nouvelliste valent l’amitié, le désir, la peur de la perte, l’empêchement, le cheminement du corps et celui de l’esprit. Après Le Narrateur, où elle laissait la parole à son personnage, M. Real, Anne Serre poursuit élégamment sa route avec ses interrogations, dans l’attente d’une nouvelle rencontre avec le Mat et la « grande bataille orgiaque » de mots qui s’ensuit. Face-à-face de l’Homme avec lui-même, figure de la mort, Le.Mat est aussi la promesse de « transformer l’autre en printemps ».

Le.Mat d’Anne Serre
Verdier, 59 pages, 10 €