D’humidités et nodosités végétales en aquosités et autres essences organiques, ce quatrième recueil de poésie de Malek Alloula (né à Oran, en Algérie, installé à Paris depuis 1967), lourd de mémoire, cependant, respire. La mécanique qu’on y évoque serait un sujet pourtant usé, mais ici elle revit dans le récit de sa perdition même, laquelle se sublimera à la toute fin en libération, dans une écriture précise, serrée, déconcertante. Nous sommes devant l’histoire de vies humaines vue de l’intérieur du corps, avec ce qu’elle comporte de solidités et de fragilités, de mutilations et de réparations, à travers une transmission d’images, d’impressions du passé. Ce que l’on perçoit comme une naissance, « image d’une poussée toute d’obscurité verticale/ célébration du sang de la sève nouvelle/ circulations se regroupant à hauteur de nuque », passant par l’épanouissement, le jeu et la course, glissera très lentement vers la faiblesse, l’agonie, « le recul d’un pas en nous/ comme avancée d’une maturité d’un âge/ avec les cassures d’un souffle aux paliers ».
La ponctuation remplacée par les vides de l’espacement donnera élégamment un souffle à ce qui aurait sans doute pu s’effondrer, surchargé. Et les passages en italiques, lumineux, parfois comme des souvenirs d’un autre lieu, viendront étayer la démonstration troublante de toutes ces matières fluides et solides, éclairer leur théâtre de douleurs. Et nous apprendrons « ce qui ouvre à la vie sur une si vieille langue maternelle/ familière de la mort des dégâts qu’elle annonce ».
L’AccÈs au corps de Malek Alloula
Horlieu, 69 pages, 11 €
Poésie Les voies du corps
juillet 2005 | Le Matricule des Anges n°65
| par
Hélène Pelletier
Un livre
Les voies du corps
Par
Hélène Pelletier
Le Matricule des Anges n°65
, juillet 2005.