Bang ! N°5
Bang ! dévoile et commente toutes sortes d’images. Il y a les images des bandes dessinées, bien sûr, avec notamment l’interview d’Alan Moore, scénariste britannique assez génial qui donne de très politiques contours aux superhéros de papier (on lui doit entre autres les Watchmen et V pour Vendetta) ; mais aussi les images qui cherchent à échapper au livre et recherchent pour ce de nouveaux supports, en témoignent plusieurs artistes qui s’essayent au dessin sur boîte d’allumettes ; ou encore les images qui dorment dans certains greniers, comme celles de Calvo, illustrateur luxuriant et parfois inquiétant, souvent célébré pour la fresque La Bête est morte qu’il réalisa en 1944, et dans laquelle les acteurs de la Seconde Guerre mondiale, bien avant Maus, empruntaient les traits des animaux.
L’attrait principal de cette revue, c’est qu’elle donne à voir autant qu’à comprendre. Elle sait profiter de ses larges dimensions et d’une mise en page inventive pour exposer de généreux et beaux aperçus des œuvres évoquées, mettre en valeur la palette des couleurs comme les registres du noir et blanc, s’ouvrir à la diversité foisonnante des genres et des époques de l’Abécédaire au manga, du comic strips à la peinture avant-gardiste, doser judicieusement la part des inédits et des redécouvertes pleine page. Elle innove même en s’ouvrant à certaines formes d’écriture journalistique hybride : la carrière mouvementée d’Alan Moore est ainsi relatée au travers d’une très astucieuse « biographie dessinée » de plus de douze pages.
Pour autant, on ne va pas s’extasier tout du long. Car cette part de figuration ne parvient pas toujours à sauver certains propos lourdingues (voir un inutile « reportage dessiné » sur le Prix de Flore, ou une analyse un peu boursouflée du « retour des superhéros »), car le cahier critique manque de nerf, car l’ensemble, surtout, sonne un peu Chic et Cher, « formes évolutives » et poses arty pour un public de qualité, avec lequel on prétend parfois s’entendre à demi-mot… Damned, il s’agirait peut-être alors d’être clément : cette trimestrielle revue qui abrite certains noms bien connus, tels Benoît Peteers à la direction éditoriale, ou Frédéric Pajak au rayon Chronique caustique n’a pas même deux ans ; peut-être parviendra-t-elle à gagner en simplicité et en pénétration. Toujours est-il qu’en l’état, elle a déjà de quoi intriguer le chaland, et ouvrir de judicieuses fenêtres sur les turbulences diablement excitantes du monde de l’image.
Bang ! N°5 144 pages, 19,5 €
(42, rue du Faubourg-Poissonnière, 75010 Paris)