Placés sous le patronage d’Hécate et de Trivia, déesse trinitaire, une vieille femme tenancière, deux hommes quasi jumeaux (Cul et Chemise), niais et veules, et une voyageuse errante, Bacalouse, qui un soir vient frapper à la porte de l’auberge, esquissent un sabbat singulier. Au carrefour de plusieurs territoires où se chevauchent tous les temps, où « les lauriers sont coupés » (allusion au roman du même nom de Dujardin, précurseur du monologue intérieur), se trame un récit surréel, cruel, qui brouille les codes et mêle les références pour entrer dans l’insensé, prétexte à un feu de Bengale langagier. « Je l’ai salopé. Je l’ai marâtré, escarfigné, gogaillé ! Moi l’intransigeante ! Je l’ai dompté, pachoulé, persécuté, materné, avachi. Sans pitié ! Moi, la craspec ! » C’est une orgie où l’invention verbale mène la danse, procure une ivresse qui se mêle à une inquiétante et familière étrangeté. Orlando de Rudder construit dans ce conte un espace singulier, et y exerce avec brio et originalité ses talents de maître artificier.
Carrefour de la mélancolie
Orlando de Rudder
Eden
66 pages, 7,5 €
Domaine français Carrefour de la mélancolie
juillet 2003 | Le Matricule des Anges n°45
| par
Bertrand Serra
Un livre
Carrefour de la mélancolie
Par
Bertrand Serra
Le Matricule des Anges n°45
, juillet 2003.