Ces deux textes d’Eugène Durif sont d’une belle humanité. Ils mettent en jeu des personnages proches du clown. De ceux qui ratent et n’arrivent pas à comprendre le monde, les autres et eux-mêmes.
Ni une ni deux met en jeu La Groulle, l’Effarée et le Tiers. Les deux premières feront corps contre le troisième. Dans de courtes séquences, les trois sont confrontés à des questions qui ne font que « creuser le vide ». Comme par exemple : Qu’est-ce qui fait quoi ? Pourquoi donc vous ne pouvez ? Ou bien encore : C’est vous qui ? Tout au long du texte « ça jaspine équivoque, ça bredouille mutivoque… » mais les personnages continuent car « tant qu’on se tient debout et qu’on ne s’empêtre pas tout à fait… » La phrase se suspend, inachevée, comme souvent dans ce texte. L’incompréhension se fait plus dense, on poursuit sans être plus avancé. Belle métaphore sur l’opacité du monde qui nous entoure. Une opacité soulignée par une grande invention de l’écrivain sur les sonorités d’une langue qui dérape. Par un curieux mélange de mots qui n’arrivent pas à se dire, de mots inventés, d’autres écorchés comme « la roupie de chansonnette » ou encore ressortis en vrac des oubliettes, la logorrhée de l’écrivain est très musicale. Cela doit être un vrai plaisir de la proférer. Un exemple de réplique piochée dans Les Irruptés du réel : « Où t’as été cétou, pas de verbiages inutiles, de tarabiscotantes virevoltantes, de voltiges aussi sottes que grenues, de biaisades en surplus… » Dans ce texte, deux cabotins nommés Irrupté 1 et Irrupté 2, répètent une scène sans trop y croire. La scène pourrait s’intituler « D’ousque tu t’en viens-tu ? » Lorsque surgit l’Intermittent. Il symbolise un possible renouveau mais se fait évincer dans les règles de la plus dure concurrence avec sondage en cours du spectacle.
Deux pièces pour tenter de rire au-dessus du vide…
Ni une ni deux
suivi de Les Irruptés du réel
EugÈne Durif
Actes Sud-Papiers
56 pages, 9 €
Théâtre Allez, jactons et
mars 2003 | Le Matricule des Anges n°43
| par
Laurence Cazaux
Un livre
Allez, jactons et
Par
Laurence Cazaux
Le Matricule des Anges n°43
, mars 2003.