Roland Schimmelpfennig est né en 1967 à Göttingen en Allemagne. Il nous est présenté comme faisant partie d’une nouvelle génération d’auteurs dramatiques.
Il invente une langue qui lui est tout à fait propre, les personnages s’adressent aux autres et dans le même temps se parlent à eux-mêmes. Dans Une nuit arabe, la parole des cinq personnages se croise, s’entrecoupe, se répond comme en écho, circule comme une partition. Le lecteur a l’impression que l’auteur écrit comme s’il filmait avec une caméra subjective. L’écrivain joue de la langue comme avec le cinéma, il écrit par travelling, par plans séquences très courts, par flash-back. Le mouvement de la langue peut s’accélérer d’un coup tout en gardant une grande fluidité. Roland Schimmelpfennig fait preuve d’une belle liberté d’invention qui doit être passionnante à retrouver et expérimenter sur scène.
Dans Une nuit arabe, l’écrivain entremêle le rêve et la réalité. Cette nuit est la plus chaude de l’année. L’eau ne coule plus à partir du septième étage de l’immeuble. Mais elle résonne dans les murs comme une mélodie envoûtante. De cette situation de départ toute simple, l’écrivain nous fait basculer progressivement dans un conte, un conte des mille et une nuits sans lune, où les sources deviennent des femmes en train de jouir, où deux personnages se retrouvent dans le palais du cheik Al-Abou Ibn Youssouf, l’une servante, l’autre princesse victime d’un mauvais sort jeté par une rivale, un mauvais sort qui lui fait oublier chaque soir qui elle est. Il y a un mélange de Contes des Mille et une nuits et de la Belle au bois dormant via le réveil de la princesse endormie par un baiser ou encore de Barbe bleue avec son énorme trousseau de clés qui ouvre toutes les portes du château. Mais des versions pour adultes avec du sexe et du sang. Les portes de l’immeuble ou de l’ascenseur s’ouvrent sur des univers parallèles ou bien se referment, il faut alors trouver la fameuse formule du « sésame ouvre-toi ». La même rencontre amoureuse se répète en boucle à des années de distance et tout le temps la mort rôde. Dans cette Nuit arabe de Roland Schimmelpfennig les personnages vivent à peine éveillés, comme dans un rêve, la réalité leur échappe et se mélange avec le fantasme, le songe ou le cauchemar parfois.
Push up plante un décor très différent. La pièce se passe dans la maison-mère d’une entreprise, une grande tour. Le seizième étage est celui de la direction. C’est là où veulent arriver Sabine, Robert, Patricia, Hans et Franck. Une ascension verticale. Push up est une série d’affrontements à deux. Le seul but est de l’emporter sur l’autre, de gagner. Mais l’écrivain donne à lire tous les motifs du combat, le sexe, la peur, la solitude. Le lecteur entend tout ce que profèrent mais aussi tout ce que pensent les personnages, il saisit très vite qu’il n’y a aucune victoire, aucune réussite, juste un combat ou un leurre. Seuls les deux gardiens de l’immeuble, Heinrich et Marie se posent la question de la vie réelle à propos du clip publicitaire de l’entreprise. L’écrivain semble nous renvoyer cette question : mais de quelle image sommes-nous donc le reflet ?
Roland Schimmelpfennig
Une nuit arabe
Traduit de l’allemand par
Johannes Honigmann
avec la collaboration de L. Muhleisen
Push up
Traduit par Henri-Alexis Baatsch
L’Arche
148 pages, 13,50 €
Théâtre Faire langue neuve
novembre 2002 | Le Matricule des Anges n°41
| par
Laurence Cazaux
Dans notre société d’images, Roland Schimmelpfennig invente une langue dont les mouvements font penser à ceux d’une caméra qui cherche à saisir l’impossible réalité.
Un livre
Faire langue neuve
Par
Laurence Cazaux
Le Matricule des Anges n°41
, novembre 2002.