Aux amateurs de gradations foireuses, indiquons celle qui illumine la quatrième de couverture : « Thème littéraire à part entière, la fellation offre souvent une vision du monde, une philosophie, voire une morale ». Diantre, et pourquoi pas : l’auteur est universitairement formé, il s’y entend à analyser un motif, à compiler des extraits, il a l’air assez convaincu, on peut trouver ça intrépide (la tête des collègues…). Néanmoins, on peut aussi prendre quelque distance avec les analyses thématiques -les scènes de jardinage mises bout à bout n’indiqueraient-elles pas de même une vision du monde, une philosophie, voire une morale ? Quant au corpus, il laisse perplexe : atterrant dans son versant contemporain (on conseille notamment la « fellation cosmique » chez Houellebecq), hors-sujet en amont, comme lorsque Franck Evrard essaye de nous convaincre des talents de Mme Bovary (si, si, rappelez-vous la scène de la calèche). Surtout, l’essai prête à sourire lorsqu’il s’essaye, au-delà du motif romanesque, à traiter la chose en soi. Certes, il est utile de rappeler que les oeuvres, et ceux qui en parlent, n’ont pas pour mission la traque au pédophile, la perpétuation de l’ordre moral, etc. Est-il pour autant nécessaire de se donner les airs d’un expert aguerri ? « De nombreuses femmes éprouvent encore aujourd’hui une répugnance à l’égard du liquide séminal, souvent recraché discrètement » : chaque adverbe a ici un air supérieur, un air à la Onfray, un air d’hédonisme en chaire et en estrade, vins fins et on-ne-la-fait-pas-à-moi.
Au final, même revisitées par la fac, c’est encore des plaisanteries d’almanach licencieux : « cet essai ressemble fort, avouons-le, à une anthologie destinée à faire venir l’os à la bouche ». No, thanks.
De la fellation
dans la littérature
Franck Évrard
Le Castor Astral
236 pages, 18 € (118,07 FF)
Essais Du côté de Vermot
mars 2002 | Le Matricule des Anges n°38
| par
Gilles Magniont
Un livre
Du côté de Vermot
Par
Gilles Magniont
Le Matricule des Anges n°38
, mars 2002.