Tout ce qui fait la fine architecture des romans de Rosetta Loy est déjà présent, suggéré dans cette oeuvre de jeunesse récemment revue par l’auteur. L’Italie de l’entre-deux-guerres, sa bourgeoisie aisée, encaustiquée, son antisémitisme lentement distillé autour des services à thé et les Della Seta, retranchés derrière leurs voilages, ces voisins juifs emportés dans la tourmente d’un précédent roman. La narratrice est une enfant solitaire, livrée à elle-même, qui saisit le monde par fragments épars, troubles et bleutés, comme ces paysages que l’on contemple à travers des jeux de verres dépolis. Sous les images terrifiantes de ses livres d’enfant, derrière son éducation religieuse, perce l’évocation froide et laiteuse de sa gouvernante allemande. L’enfant lui voue une passion absolue, sensuelle et farouche, à sens unique. Rosetta Loy, l’air de ne pas y toucher, avec ses phrases de dentellière finement ajourées, continue de solder les comptes d’une Italie catholique et raciste.
La Porte de l’eau
Rosetta Loy
Traduit de l’italien
par Françoise Brun
Rivages
140 pages, 69 FF (10,52 €)
Domaine étranger La porte de l’eau
septembre 2001 | Le Matricule des Anges n°36
| par
Anne Riera
Un livre
La porte de l’eau
Par
Anne Riera
Le Matricule des Anges n°36
, septembre 2001.