C’est du noir d’abord que l’on voit : celui de la dizaine d’éléments de la bibliothèque qui entoure le bureau. Cela fait comme une alcôve trop petite pour accueillir tant de livres et la table de travail sur laquelle pèsent quelques piles. Les livres, pour la plupart sont couverts. Ils s’alignent sur les étagères en ordre alphabétique, littérature et philosophie mélangées. C’est une bibliothèque de travail, incontestablement. Ici ou là, face à nous, des portraits d’écrivains, frères anciens ou figures tutélaires : Kafka, Bataille, Beckett auxquels il faut adjoindre Sade, dont une lettre manuscrite, placée sous verre, orne la pièce à côté où se trouvent les livres d’art. Si l’on regarde les premiers livres, (Adorno, ordre alphabétique oblige) on tourne le dos à une masse imposante de livres et revues d’histoire, d’idées, de politique. Outils de travail pour l’écriture de La Révolution rêvée : un essai sur les intellectuels de l’après-guerre commandé par Fayard et dont 300 pages déjà sont écrites. Pour en commencer la rédaction, Michel Surya se sera intéressé aux écrits de Mao, de Lénine, de Castro, aux ouvrages de mémoires et journaux de personnalités médiatiques. Mais aussi à l’intégralité de la revue Les Temps modernes de 1945 à 1954 dont la masse ici s’impose. D’autres revues encore (Critique dont le premier numéro trône du côté de Bataille). Le livre est momentanément arrêté : retiré par Surya des projets de Fayard depuis le conflit qui l’a opposé à Hachette.
Retour à la littérature et à la philosophie. C’est sans surprise qu’on y trouve Artaud. Voici les deux volumes de l’édition japonaise de Georges Bataille, la mort à l’oeuvre : « suite à cette traduction, j’ai été contacté par une revue de littérature japonaise à laquelle j’ai donné régulièrement quelques textes inédits ». Michel Surya aime chiner : Bataille peut se lire en éditions originales (rares) même si, en périodes de difficultés, il a fallu en vendre quelques-unes. Bernhard et Blanchot occupent des places de choix, plus loin c’est Les Hauts de Hurlevent dans l’édition illustrée par Balthus. Chestov, Dagerman, Dostoïevski conduisent à Guyotat qui laisse peu d’espace avant Hegel : de quoi y glisser Hardellet et Handke.
Michel Surya saisit un livre : J’ai connu Kafka publié par Solin et écrit par plusieurs personnes : « c’est un des livres qui m’a le plus touché depuis longtemps ». Sur la table, Frédéric-Yves Jeannet, au-dessus plusieurs éditions d’un même livre, dont un exemplaire volumineux : Les Pensées de Pascal qui remplit deux rangées. Sade envahit ensuite l’espace. Et puis il y a Jean-Noël Vuarnet, souvent cité durant notre entretien : « Sa disparition me chagrine beaucoup ». Dehors, un chien aboie et le voisin fait entendre qu’il bricole.Les écrits sont...
Dossier
Michel Surya
L’espace des révolutions
septembre 2001 | Le Matricule des Anges n°36
| par
Thierry Guichard
Un auteur
Un dossier