La première pièce de Lionel Spycher, Pit-bull, met sur le devant de la scène des « jetables » : des gens « sans but, sans histoire, sans avenir, avec juste un peu de poésie pour que ceux qui se jettent (du haut d’un immeuble, ndlr) ne meurent pas vraiment mais s’envolent ». 9 mm pourrait être un deuxième volet sur cette obsession de la chute. Mais cette fois-ci, le seul à se jeter d’une fenêtre, pour toujours voler comme Superman dont il a piqué le déguisement dans une moyenne surface, c’est un gamin. Les autres, les adultes ont « les pieds sur la terre et les dents serrées. » Et ils jouent avec des 9 mm, des révolvers, signe du pouvoir, « plus grands que tous les dieux », neuf millimètres entre la vie et la mort… Et la colère de se voir dépossédé du monde. Mais ce monde, les personnages de 9 mm l’ont tellement rêvé qu’ils n’arrivent pas à le reformuler, ou alors selon des critères télévisuels. « J’ai changé plusieurs fois de costume et j’ai rencontré ma femme » raconte M. Kléber, devenu gérant de supermarché, grâce à son mariage et donc à son costume. Lionel Spycher est redoutable d’efficacité dans la confrontation qu’il imagine entre M. Kléber, sa secrétaire, son responsable de la sécurité et un jeune délinquant. Un jeu de chat et de souris, des scènes courtes, tendues, concises, au bord de l’explosion, du malaise, de la violence. Une tension qui nous pousse à basculer et tomber avec les personnages.
Pendant quelques courts instants de répit, un peu maladroits, certains personnages semblent retrouver une part d’enfance et rêvent de la neige, du ciel qui tombe ou d’un nuage qui passe, mais l’univers de Spycher garde un goût de sang dans la bouche et de mots proférés les dents serrées.
9 mm
Lionel Spycher
Actes Sud-Papiers
68 pages, 65 FF
Théâtre Du sang dans la bouche
septembre 2000 | Le Matricule des Anges n°32
| par
Laurence Cazaux
Un livre
Du sang dans la bouche
Par
Laurence Cazaux
Le Matricule des Anges n°32
, septembre 2000.