Avec la publication coup sur coup de deux nouveaux recueils de poèmes, Lenteur d’horizon et Nuit comme jours, Fabienne Courtade nous entraîne une nouvelle fois dans un univers intime parsemé d’obscur. On ne peut s’empêcher de prendre ces deux ouvrages comme une suite l’un de l’autre. On retrouve le monde de Fabienne Courtade, fait de « tremblement » et de « perte infinie », avec toujours la présence de la neige, mais aussi de l’eau sous diverses formes (mer, fleuves, fontaines, pluie, etc.). Les deux livres parlent de l’absence d’un homme. Le poète brouille les pistes et on hésite entre séparation ou mort, mais c’est de toute façon une non-présence qui guide les vers de l’auteur : « d’un même absent/ (mort-dont on pressent l’éveil/ mains serrées » (Lenteur d’horizon) ou « Ciel planté/ et une terre se greffe encore,/ lève de grandes ombres// (plus tard, un mort l’y remplace// laisse le roulis/ de ceux qui passent » (Nuit comme jours). Fabienne Courtade utilise plusieurs fois le procédé d’ouvrir des parenthèses sans les refermer, comme de vouloir laisser l’espace libre, comme de pouvoir encore espérer… L’image est là, forte, c’est quelqu’un que l’on a vu « dans l’encadrement d’une fenêtre » et puis la fenêtre se vide et c’est ça aussi la mort. Fabienne Courtade trace une représentation du monde, autour de celui dont elle nous parle « il », « lui » sans jamais vraiment le nommer : « terre/ qui lui reste/ à gravir// quelqu’un appelant/ le fleuve/ ce qui jamais/ sous le feu/ne s’éteint ». Le texte reste intime, plein de retenu et de pudeur, le pronom personnel « je » ne sera utilisé qu’une seule fois par livre. L’intensité de la poésie est une nouvelle fois au rendez-vous de l’écriture de Fabienne Courtade, et avec déjà six livres publiés, une œuvre est en train de se faire. Et malgré la souffrance et la douleur que l’on perçoit : « avec le silence des nuits/et des choses//avec toute cette immobilité/ des mondes// à laquelle je ne parviendrai/ jamais », cette femme parvient de plus en plus à faire partie des voix qui comptent dans la poésie contemporaine.
Stéphane Branger
Lenteur d’horizon
et Nuit comme jours
Fabienne Courtade
Éditions Unes
64 pages, 75 FF chacun
Poésie Une impossible absence
janvier 2000 | Le Matricule des Anges n°29
| par
Stéphane Branger
Un livre
Une impossible absence
Par
Stéphane Branger
Le Matricule des Anges n°29
, janvier 2000.