Sachant indubitablement allier le mauvais goût au néant stylistique, Clotilde Escalle peut se targuer d’atteindre, avec son Herbert jouit, l’apothéose de la médiocrité romanesque. Une jeune femme dont le passé reste d’autant plus obscur qu’il est inintelligible, (et cela, non par une volonté de fragmentation narrative mais par l’extrême maladresse de son agencement), s’éprend soudainement d’Herbert, un vieillard décati. Oscillant entre son « dégoût » et ses pulsions gérontophiles, l’héroïne se prête aux requêtes sexuelles de son partenaire. De là s’en suivent d’épuisantes descriptions de leurs ébats, qui fleurent bon la chair rance et l’eau de Cologne périmée. Espérant probablement ardemment heurter le lecteur, Clotilde Escalle ne lui épargne rien, du baiser « bien baveux, épais » « comme de la morve qu’on avalerait », à la succion de « la plante du pied, crevassée et rugueuse ». En passant par l’incontournable coït, peuplé de détails des plus glamour « ayant compris que j’aime ça, il me reflanque deux doigts dans l’anus ». L’extase qui en résulte à chaque fois est telle que les protagonistes, « terriblement émus », ont recours au lyrisme : « Oubliés la solitude, le désespoir d’être mortels ! ». À travers ce roman insipide et ennuyeux jusqu’à l’insoutenable, nul traitement des rapports intimes et complexes qui pourraient se tresser entre deux êtres que tant d’années séparent. Le désir de jouissance de ce vieil homme en proie à la décrépitude physique, conscient de l’imminence de sa mort, n’y est abordé que dans un souci d’étalage salace. Ce qui laisse supposer que le sujet ne fut choisi que pour permettre à son auteur l’exhibition de clichés sordides, qu’elle imagine remarquables, et espère remarqués.
Or, en matière de scandale, la plume de Clotilde Escalle reste à l’image de son Herbert : bien impuissante.
Herbert jouit
Clotilde Escalle
Calmann-Lévy
140 pages, 82 FF
Domaine français Graveleux calculs
octobre 1999 | Le Matricule des Anges n°28
| par
Nathalie Dalain
Un livre
Graveleux calculs
Par
Nathalie Dalain
Le Matricule des Anges n°28
, octobre 1999.