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Théâtre Réviser ses classiques

août 1999 | Le Matricule des Anges n°27 | par Maïa Bouteillet

Actes Sud-Papiers enrichit sa collection Apprendre avec trois nouvelles publications autour de Brecht, Foreman et, surtout, sur Koltès.

Figure très rimbaldienne parmi ceux que l’on nomme jeunes auteurs de théâtre contemporain français, Bernard-Marie Koltès a déjà inspiré de nombreux travaux. Dix ans après sa mort, l’unanimité est telle pour saluer la force et la beauté de son œuvre qu’on serait presque tenté de l’évoquer comme un classique. Le travail d’Anne Ubersfeld n’avance donc pas en terrain inconnu, mais il permet de comprendre - études dramaturgiques détaillées à l’appui- ce qui, chez Koltès, atteint au mythe. Malgré sa facture très universitaire, le résultat est passionnant. Car il resitue chaque texte dans le mouvement d’une œuvre qui pourrait s’intituler -selon la belle formule choisie par Anne Ubersfeld en préambule- « le jeune homme et la mort ».
Évoquant son amour pour l’Afrique, sa fascination pour l’Amérique, sa défiance à l’égard des milieux du théâtre et de la famille, ses lectures essentielles (Shakespeare, Claudel, les Russes), etc., elle se garde d’établir des liens trop hâtifs entre l’œuvre et la biographie. Anne Ubersfeld restitue la parole de Koltès aussi souvent qu’elle le peut. Et les propos de ceux qui ont compté dans son itinéraire de création : Hubert Gignoux, le découvreur qui l’a encouragé dans ses premiers élans d’écriture et Patrice Chéreau, LE metteur en scène auquel Koltès dut sa rapide notoriété.
« Apprendre », est-il écrit en avant-propos de l’ouvrage Avec Brecht, « signifie avant tout, en termes brechtiens, s’exercer au travail avec les contradictions ». Une vision à laquelle font écho de nombreuses réflexions de Richard Foreman, consignées par Anne Bérélowitch, sous la forme d’un abécédaire intitulé du nom de cet artiste américain proche de Gertrud Stein et révélé dans les années 60 avec le courant expérimental des Avant-gardes.
Pour cet écrivain et homme de théâtre proche du happening (le terme de metteur en scène serait presque impropre), l’art naît justement de flux contradictoires et de perceptions fragmentées. Anne Bérélowitch rappelle que dans son procédé de « frustrations des attentes », l’Américain a usé de techniques proches de celles développées par Brecht. Malgré la conception un peu artificielle et parfois confuse de ce livre, on saura gré à l’auteur de l’avoir entrepris - en collaboration avec le Conservatoire d’art dramatique où elle enseigne. Outre les nombreux articles et entretiens parus dans la revue Théâtre Public, il n’existe pas à ce jour en français de livre spécifiquement consacré à cet artiste.
La comparaison entre les deux ouvrages s’arrête à cette coïncidence éditoriale qui aujourd’hui permet de juger d’une proximité de vues entre deux artistes. Avec Brecht est le résultat de rencontres organisées, à Avignon en 1998, par l’Académie expérimentale des théâtres avec France Culture et l’IMEC. Il permet à tous ceux qui n’auraient pas eu le réflexe de les enregistrer de retrouver ces entretiens très riches menés par Georges Banu et Denis Guénoun avec Peter Stein, André Steiger, Judith Malina, Stéphane Braunschweig, Michel Deutsch et Matthias Langhoff sur l’héritage de Brecht aujourd’hui. Loin d’épuiser la question, leurs réponses fournies ouvrent de nouvelles pistes. La suite aux prochains numéros de la collection.

Richard Foreman
par Anne Bérélowitch
104 pages, 45 FF

Bernard-Marie Koltès
par Anne Ubersfeld
Avec Brecht

Actes Sud-Papiers
126 pages, 55 FF chacun

Réviser ses classiques Par Maïa Bouteillet
Le Matricule des Anges n°27 , août 1999.
LMDA PDF n°27
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