Charles Reznikoff est un poète new-yorkais, né en 1984, fils d’immigrés russes, qui fit partie, avec Georges Oppen, Rakosi, Zukofsky, des poètes objectivistes. La façon dont ces poètes vont porter attention au réel, au quotidien, au fait, aux choses, jusque dans leur présence clinique, et chercher à les inscrire dans le poème, les conduira tous à définir une nouvelle forme, une nouvelle façon d’articuler la langue avec la volonté d’objectivation du réel. Reznikoff, reconnu en France grâce à la publication d’extraits du premier tome de son Testimony -The United States 1885-1890, s’affirmera ainsi comme un auteur de poèmes descriptifs. Sans aucun sentimentalisme, avec un souci d’archéologue des cités modernes, la poésie de Reznikoff constitue ce que Jean-Paul Auxeméry appelle une « épopée discrète ». Holocauste est publié en 1975, un an avant la mort du poète. C’est un texte fondé sur la publication par le gouvernement des États-Unis du Procès des Criminels devant le Tribunal militaire de Nuremberg et sur les minutes du procès Eichmann à Jérusalem. Comme son traducteur Jean-Paul Auxeméry le précise : « les témoins et les victimes du système d’extermination mis en œuvre par les nazis parlent -voilà le point de départ du poème ». Cette édition de fragments d’Holocauste a été revue et établie pour le théâtre dans une mise en scène de Claude Régy. On hésite à parler pourtant d’objet poétique, d’une forme même, d’intérêt littéraire. Reznikoff n’a rien voulu de tout cela. Il a simplement répondu comme il le pouvait aux victimes des nazis. En portant la voix unifiée de tous les témoins vers ce qu’elle dessinait, Reznikoff expose, comme le dit encore son traducteur, « des faits qui portent par eux-mêmes l’émotion en vérité », là où Primo Levi chercha, lui, des réponses à l’analyse de l’ignominie nazie. La vérité de ce texte passe par le récitatif qu’il devient : un récitatif de l’horreur décrite et inhumaine. C’est la question, en même temps que son inscription la plus directe, que pose ce livre. Et
Holocauste (fragments)
Charles Reznikoff
Traduit de l’américain
par Jean-Paul Auxeméry
Éditions Espaces 34
80 pages, 60 FF
Théâtre Face à l’innommable
juin 1998 | Le Matricule des Anges n°23
| par
Emmanuel Laugier
Un livre
Face à l’innommable
Par
Emmanuel Laugier
Le Matricule des Anges n°23
, juin 1998.