Les livres de Christine Angot sont proprement rangés (façon maison de poupée) dans trente-cinq petits carrés d’une bibliothèque blanche de trois mètres de haut, environ, sur un mètre cinquante. Rien d’impressionnant. L’écrivain avoue pratiquer la vente des livres qui ne l’intéressent plus après lecture. On y repère vite quelques incontournables opus de La Pléiade ainsi qu’une logique de rangement à géométrie variable : nationalités, époques et genres aiguillent les ouvrages dans les différentes cases correspondantes ce qui explique par exemple qu’on trouve une belle longueur de Duras à droite, en bas, alors que son théâtre doit se chercher sur la gauche. Classement par affinité aussi puisque les livres les plus appréciés occupent les avant-postes.
Céline arrive en tête, bien placé et en Pléiade. « Surtout Voyage au bout de la nuit, la trilogie allemande et Entretiens avec le professeur Y ». Proust est là, aussi, comme une évidence. Marguerite Duras vient ensuite, mais Christine Angot garde dans ce tiercé gagnant une nette préférence pour le premier cité : « Je ne suis pas autant intimidée par Duras ou Proust que par Céline. Voilà quelqu’un qui parle sa langue. Duras, ce qui est bien, c’est qu’elle ne s’emmerde pas. Dans C’est tout, dans Emily L.… Ce que j’aime aussi, c’est qu’elle a fait en sorte qu’on se demande toujours si elle est un écrivain ou pas » Et puis, l’écrivain évoque des titres particuliers, le dernier Handke (Mon Année dans la baie de Personne, Gallimard), quelques Modiano, Philippe (P.O.L) de Camille Laurens (« Ce que j’aime bien chez elle c’est qu’elle ne s’embarque pas dans des contradictions. Chez elle, les phrases ne se détruisent pas les unes les autres comme chez moi. Avec elle, la phrase, rien ne peut l’arrêter. »)Si la poésie est absente, contrairement au théâtre, c’est que notre hôte avoue une découverte très tardive d’un genre que Michaux lui apprend à apprécier. « Je me rends compte que la poésie, c’est bien. Je croyais qu’il y avait trop de « regardez, je fais de la belle littérature » alors que le roman peut traîner partout et peut flirter avec le vulgaire. La poésie c’est un art noble, le roman est une forme bâtarde. Qui, donc, me convient mieux. » On s’étonne de ne pas trouver beaucoup de Bataille à qui l’écrivain Angot a été comparée : « il a un côté esthétisant qui ne me convient qu’à moitié. » Autre référence souvent évoquée, Hervé Guibert est représenté par ses derniers titres : « ça ne m’a jamais paru extraordinaire mais c’est un auteur qui a ouvert des portes. Il est important. » Et comme on se souvient d’un article virulent paru dans La Quinzaine littéraire où Christine Angot en écorchait plus d’un, on n’est pas surpris de l’entendre dire : « Sarraute, ça m’emmerde. Yourcenar, je n’en parle même pas. »
La visite ne peut s’achever sans évoquer ces ouvrages dont on trouve trace, et parfois citations, dans les différents romans de Christine Angot : Beckett qui ouvre Les Autres (« Lui, on ne...
Dossier
Christine Angot
Bibliothèque utilitaire
novembre 1997 | Le Matricule des Anges n°21
| par
Thierry Guichard