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Nouvelles L’amie du peintre

septembre 1995 | Le Matricule des Anges n°13

Né en 1962 à Paris, Jean-Philippe Blivet travaille dans l’enseignement après de courtes études en droit et en histoire de l’art à l’école du Louvre. Il a déjà exposé quelques dessins, peintures et photos dans le département de l’Oise où il habite. Il a également monté une pièce musicale sur le Printemps de Prague en 1985 au théâtre de Beauvais. Enfin, un recueil de nouvelles, deux contes pour enfants et un roman attendent d’être édités. Actuellement, dans le cadre de sa profession, il travaille avec le nouvelliste Jean-Pierre Cannet..

1. Paysage d’argile 3500 F

L’amie du peintre voyage. C’est à Vienne vendredi qu’elle a vu ce vernissage dans une galerie. Elle est entrée par hasard, passant avec méfiance entre des flots de spectateurs à la recherche de valeurs futures et c’est un couple très chic qu’elle a surpris devant une toile minuscule - « Paysage d’argile » - commentant à voix haute la nature intrigante de longues traînées rougeâtres. « Huile ». Hochement de tête et coup d’œil vers l’avant, à dix centimètres du tableau pour mieux en distinguer les secrets. « Peut-être acrylique aussi… »
Tandis qu’ils discutent, comparant leurs connaissances comme des bibelots en équilibre sur une étroite étagère, elle a regardé dans le catalogue et a noté mentalement le nom de l’auteur avant de disparaître à nouveau dans la rue - dans un taxi - dans une gare - dans un millier de trains ronronnants.

2. Les homards morts
L’amie du peintre dort debout. Elle est si fatiguée qu’elle est livide. Va-t-elle trop vite quand elle voyage ?
Hier, elle est allée rendre visite à Vladimir, lui qui sait tout des ventes, des tableaux et des peintures.
Ensemble, ils ont cherché dans de gros catalogues, un nom, un titre, une simple référence et c’est lui qui a finalement montré du doigt une reproduction pas plus grosse qu’un timbre poste en disant :
« Je savais bien que ce nom ne m’était pas inconnu. »
Elle, elle a seulement regardé les deux homards miniatures qui étaient comme deux gouttes de sang sur la surface du timbre poste, sans écouter Vladimir qui parlait de la conservation de l’éclat des pigments naturels, de l’acrylique, des laques et d’autres couleurs sucrées.
3. L’incendie du Parlement 6700 F
L’amie du peintre s’asseoit. C’est du bruit de la foule dont elle veut se protéger, de ces paroles qui se diffusent et rebondissent, aussi creuses que des ballons d’enfants. Ce matin enfin, elle est arrivée à Paris, juste à temps pour rejoindre une vente de tableaux à l’Hôtel Drouot.
Cette toile qu’elle a vue tout à l’heure - « L’incendie du Parlement » - 120 x 75, qui ressemble à l’évidence à un Turner, elle continue de l’admirer bien qu’elle ne l’ait plus sous les yeux. C’est l’étrange couleur des flammes entre rouge et rouille qui persiste après la disparition de l’image, comme un feu véritable.On comprend bien que peintures et pinceaux ne sont pas suffisants.Mais, perché sur son estrade, dominant les rumeurs de la salle quii commente (Rouge… Quel rouge ! Et ce vermillon… Cette touche presque brune… Rouge), le commissaire-priseur adjuge à 6 700 F.
Elle enrage en elle-même. La peinture n’a pas de prix. Sa valeur est ailleurs, loin des marchandages et des cimaises particulières.

4. Portrait du peintre
L’amie du peintre est comblée. Maintenant, elle visite son atelier ; c’est une forteresse ou peut-être un laboratoire dans lequel s’entassent des toiles infinies, des torchons badigeonnés de couleurs et des cadres vides.
Elle se promène sans rien toucher et observe les palettes où s’étalent abondamment toutes les nuances de rouges qu’elle a déjà pu voir dans ses tableaux.
Plus loin, dans la lumière d’une grande véranda, vêtu d’une blouse crème, les manches retroussées, il travaille sur sa nouvelle toile. Quand il poursuit un large mouvement du poignet, deux cicatrices apparaissent au creux de ses bras. Autour de lui, des centaines de flacons soigneusement étiquetés forment une inépuisable réserve de teintes dont il se sert pour corriger ici un ton trop clair, là une touche trop neutre.
Un instant il s’arrête.
Elle s’est approchée de lui, intriguée.
« Comment parvenez-vous à obtenir de pareilles couleurs ? »
Il repose la palette sur le chevalet et s’essuie les mains.
« C’est parce que je peins au couteau… »

L’amie du peintre
Le Matricule des Anges n°13 , septembre 1995.