Sous les toits d’un immeuble du sixième arrondissement, l’appartement modeste qu’occupe Linda Lê offre un dépouillement presque ascétique au visiteur. Les murs blancs éclairent par effet de réflexion la lumière qui vient de deux fenêtres. Sur la gauche, en entrant, une bibliothèque, modeste dans ses dimensions, ne saurait souffrir l’accueil de nouveaux livres.Si l’étagère du haut est entièrement réservée à la collection Biblio pour laquelle Linda Lê travaille, les autres ne semblent guère se soucier d’ordre. On y croise Hrabal, Knut Hansum, Boulgakov, Danilo Kis (« c’était ma grande découverte »).
D’entre les deux rangées de livres qui cohabitent sur chaque étagère, Linda Lê sort un livre : La Bouche pleine de terre de Branimir Scepanovic « ça, pour moi, c’est un grand grand monument ». Un peu plus bas, ce sont les Japonais qui ont investi le peu d’espace qui reste.Linda Lê cite d’abord Sôseki. Entre les deux fenêtres, face à l’entrée, une planche souligne la rangée « des livres importants ». Thomas Bernhard y côtoie Antonio Lobo Antunes, Ingeborg Bachman, Brecht. Stig Dagerman (« Lui je l’aime beaucoup ») voisine avec la biographie de Wittgenstein. Il semblerait qu’il en est des livres comme des mots ; Linda Lê ne laisse chez elle que ceux qui vraiment lui paraissent juste. Avant de sortir, quelques reproductions d’Alfred Kubin (ce peintre autrichien dont un détail de Der Mensch illustre la couverture de Les Dits d’un idiot) renvoient à un univers trouble et grotesque dans lequel, peut-être, beaucoup de livres écrits et lus ici ont puisé leur singularité.
Dossier
Linda Lê
Les livres élus
septembre 1995 | Le Matricule des Anges n°13