La mort. Sa représentation, son idée, son sens. Fragment personnel est un texte qui rapproche de ce passage obligé, cette fin inéluctable. Comment les mots cherchent à dire et les yeux à voir ce qui simultanément est et n’est pas. « Elle n’est ni un but, ni un interdit, ni un secours, ni une justification, ni une gloire, ni un désir, ni un obstacle, ni un flambeau, ni un mirage, ni une larve. » Définition par l’absurde, approche peut-être du besoin de se rassurer, de se mettre en danger aussi. Tortel plonge dans ce gouffre, crée son propre salut en appelant le hasard pour que la mort soit telle qu’il l’imagine, tranquille, bucolique, naturelle et calme. La mort, structurée comme un poème. Seule inquiètude : la parole pour le dire, un poème pour cerner l’insaisissable. Avec malgré tout l’angoisse des « fausses lucidités nocturnes », la mort frôle la nuit, la nuit caresse la mort. Jean Tortel est un être vivant, donc condamné, soumis comme tous à sa propre désintégration. Mais n’est-ce pas aussi sa propre identité qui est en jeu ? « Si je ne devais pas mourir, je ne serais pas Jean Tortel. Or j’accepte de l’être. » Il y a aussi bien entendu, un frôlement de tentation, d’appel lointain de la mort que le jour n’arrive pas à effacer totalement « Je crois bien que si j’évite (…) de m’approcher trop près de l’eau, c’est que j’ai peur d’être tenté… » même si en définitive, « on me dérobera toujours ma mort. » Ceci sans désespoir aucun ; ce texte n’a pas le voile de la tristesse, une simple constatation de cette anecdocte ultime qu’est la mort malgré la difficulté de faire une mise au point précise, de régler correctement la focale sur elle : « Je passe sans cesse de ma mort à la Mort. La mienne glisse et s’efface devant la figure abstraite. » Tortel magnifie cet objet nul qu’est la mort pour essayer de la faire sienne, de se frotter à cette évidence, d’admettre vraiment, sincèrement ce qui nous dépossède en nous privant du langage. Il y a rarement eu un texte aussi proc
Jean Tortel est mort en Mars 93.
Fragment personnel
Jean Tortel
Editions Fourbis
60 pages, 60 FF
Poésie Les mots de la mort
octobre 1993 | Le Matricule des Anges n°5
| par
Alex Besnainou
Un livre
Les mots de la mort
Par
Alex Besnainou
Le Matricule des Anges n°5
, octobre 1993.