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Cours, camarade…
Lmda N°251 L’agit-prop, des luttes, l’arnaque aux banques, la clandestinité : Allèssi Dell’Umbria retrace l’épopée urbaine d’Os Cangaceiros.
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Domaine étranger Fascination du vide En faisant le portrait d’une famille bourgeoise de la banlieue de New York, Hope fait le procès d’une Amérique déconnectée de toute vie intérieure. Plus glaçant que drôle. Le deuxième roman du jeune Américain Andrew Ridker (né en 1991), auquel on doit Les Altruistes (Rivages, 2019) a été salué par The New York Times selon ces termes cités en quatrième de couverture du nouvel opus : « Les personnages d’Andrew Ridker ratent leur vie dans les grandes largeurs, mais ils sont irrésistiblement attachants. » Étrange lecture d’un roman où les Greenspan issus d’une famille aisée ne ratent pas tant leur vie (ils ne...
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Domaine français Faire parler le taiseux Plein d’inventions langagières, Donato est un hommage à un grand-père italien, paysan dans les Pouilles devenu mineur en Belgique. Une pépite. Quelle liberté, ces retrouvailles avec de vieux mots, cette virtuosité de langage ! C’est le premier roman d’Éléonore de Duve, et on se plonge avec un plaisir raffiné dans son écriture, à la fois sophistiquée et intelligente, sensible et terre à terre, au plus près de la matière, du travail, de la main, du concret. Nous sommes en Italie, dans le sud rural, en Basilicate. Le village « dessine une caracole pâle, bouffée, sertie sur une...
Chronique
En grande surface
En grande surface
par Pierre Mondot
Verre paradis
La libraire du bourg a reçu un exemplaire de l’ouvrage en exclusivité, début août. Elle l’a aimé et consent à le prêter à condition que ce partage demeure confidentiel. Pas un mot sur le livre avant sa sortie officielle : si cette faveur venait aux oreilles de l’éditeur, elle en prendrait pour son matricule (clin d’œil appuyé). Juré. On lira Panorama, le dernier roman de Lilia Hassaine en loucedé. Et craché, on n’en parlera à personne.
Jusqu’à l’an passé, la jeune femme animait une chronique dans l’émission Quotidien sur la chaîne TMC. Sa mission consistait à « décrypter » l’actualité et...
Le Matricule des Anges n°246
un auteur
Mireille Gagné
Chronique
Traduction
Traduction
Arnaud Bikard *
Le Chevalier Paris et la Princesse Vienne d’Élia Lévita
Rien ne me destinait a priori à traduire un roman de chevalerie, et sans doute encore moins un roman de chevalerie yiddish. Arthur, Charlemagne, le merveilleux, les inimitiés et alliances des familles seigneuriales n’ont pas exercé de charme particulier sur mon enfance. On a bien dû me dire, avant l’âge adulte, que mes grands-parents maternels connaissaient le yiddish (bien que, ne les ayant jamais entendus parler que le français, il m’est arrivé d’en douter) mais cette langue, associée dans mon imaginaire au judaïsme orthodoxe, à la grisaille polonaise, aux disparus de la Seconde Guerre...
Le Matricule des Anges n°248
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Domaine étranger Les dépossédés d'Élias Khoury Dans un puissant roman d’apprentissage, l’écrivain libanais explore ce paradoxe douloureux : être exilé dans son propre pays. Nous ne connaissons que quelques bribes des histoires racontées, chaque histoire porte en elle des secrets et comporte de multiples facettes et, malgré de nombreuses tentatives, les romanciers demeurent incapables de la raconter de manière exhaustive ». Nul doute qu’Élias Khoury partage ce diagnostic, qu’il attribue à son narrateur, mais ce n’est pas là un constat d’échec, plutôt un défi à relever. Il lui faut donc près de 400 pages pour...
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Poésie En guerre D’une vigueur extrême et contenue, Solmaz Sharif dessine avec la pointe du couteau sa condition d’exilée et son impossible issue. Après le très remarqué Mire paru en 2019, Douanes de la poète Solmaz Sharif continue d’explorer la question du déracinement et de l’exil. Née en Turquie en 1983 de parents iraniens puis naturalisée américaine, elle enseigne l’anglais à la très prestigieuse université de Berkeley. Un pur produit de l’intégration américaine, pourrait-on penser. Ce serait trop simpliste et il nous faudrait faire sans cette colère qui court de bout de bout de...
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Histoire littéraire Dissemblables mais complices Si tout semble séparer Maurice Chappaz, le « catholique païen », et Philippe Jaccottet, l’homme du doute à la rigueur protestante, leur correspondance montre qu’ils partageaient la même idée d’une poésie de la présence. Après avoir lu la correspondance (1942-1976) que Jaccottet échangea avec Gustave Roud (Gallimard, 2002, édition établie par José-Flore Tappy) on espérait découvrir celle qu’il échangea avec Chappaz. Un vœu aujourd’hui exaucé grâce à cette même José-Flore Tappy. Elle commence, cette correspondance, suite à une note de lecture élogieuse de Jaccottet à propos de Verdures de la nuit (1945), le deuxième recueil de Chappaz, son compatriote et...
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Théâtre Le combat d'une activiste Deux anges provoquent et accompagnent la descente aux enfers d’une infirmière. En 2015, Mária Sándor, une infirmière d’un service de néonatalogie, décide d’alerter et de se battre contre le mauvais état du service de santé hongrois. Entre autres en incitant le personnel des hôpitaux à venir travailler en blouse noire. Elle deviendra très vite « l’infirmière en noir ». Soutenue au départ, applaudie, encouragée, son action est fortement combattue par le gouvernement et par certains médias, la pression augmente, ses...
Intemporels
par Didier Garcia
La vie à pleines dents
Dans Le Cahier gris, l’écrivain et journaliste catalan Josep Pla (1897-1981) nous présente son quotidien d’étudiant en droit.
Existe-t-il un âge plus indiqué qu’un autre pour entreprendre de consigner sa vie dans un journal ? Celui de Josep Pla commence le jour de ses 21 ans, le 8 mars 1918 ; il se referme le 15 novembre 1919, autrement dit l’avant-veille de son départ pour la France, où la rédaction de La Publicidad l’envoie en tant que correspondant.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’objectif qu’il se fixe au départ n’a rien de très ambitieux : noter ce qui lui arrive, « au fur et à mesure, juste pour tuer le temps ». D’ailleurs, le même jour, il reconnaît que ce sera un miracle si ce journal...
Le Matricule des Anges n°221