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Théâtre Mourir d’aimer ?

novembre 2022 | Le Matricule des Anges n°238 | par Patrick Gay Bellile

Gérard Watkins dresse un implacable réquisitoire contre les violences faites aux femmes.

Scènes de violences conjuguales

Cela commençait bien pourtant. Deux belles histoires d’amour. Liam rencontre Rachida par hasard, devant la porte fermée d’un immeuble de banlieue. Il est un jeune qui galère, comme on dit, issu d’un milieu peu favorable, et pour qui quand il y a un problème, il faut être expéditif : « quand c’est des fils de pute y’a pas à gérer – en face des fils de pute y a juste à les défoncer » Après une énième baston, il voudrait se faire héberger par son copain Steve. Mais la porte est fermée par un digicode. Rachida habite le même immeuble, elle veut bien jouer les intermédiaires, et puis de fil en aiguille ces deux-là se racontent, s’espèrent et puis se trouvent. Pascal, lui, vient d’un milieu plus huppé. Il est photographe, artiste donc ; et dans une station de métro il se trouve face à un colis abandonné. Annie est là aussi, ils prennent les choses en main, alertent les autorités, et finalement, l’émotion passée, prolongent la rencontre. Annie a deux enfants gardés par ses parents et voudrait bien recommencer une vie avec quelqu’un, se stabiliser pour les récupérer. Voilà, tout paraît simple, les deux couples décident de s’installer, visitent un appartement, emménagent, parlent d’enfants, se disputent pour des bricoles, et finalement, cent pages plus loin, Pascal tente d’étrangler Annie, et Liam frappe Rachida jusqu’à tuer l’enfant qu’elle porte. Alors que s’est-il passé ? C’est ce que Gérard Watkins décortique tout au long de cette pièce. Choisissant les moments clefs, les scènes anodines en apparence mais qui racontent l’installation progressive des rapports de domination ; quand le quotidien vire au sombre, quand la jalousie de Pascal se manifeste à chaque instant ou que les addictions de Liam prennent le dessus. Quand les rapports sexuels deviennent plus ou moins, et souvent moins que plus, consentis.
Pour écrire sa pièce, il a travaillé avec des professionnels qui gravitent autour des violences faites aux femmes. Ce qui frappe et nous touche d’emblée dans ce texte, c’est sa justesse. Justesse des mots, des propos tenus, justesse de la langue, différente suivant les milieux mais établissant les mêmes rapports de domination ; cette façon de reprendre l’autre, gentiment, mais en affirmant ainsi une hiérarchie immédiate ; justesse des situations lorsque ne pas arriver à monter un meuble Ikea et finir par le démolir devient le symbole de la difficulté à construire un couple. Où l’on voit qu’une chose dite un jour, sous l’effet de la fatigue ou d’un énervement passager, est dite pour toujours et vient tout doucement s’agréger à la série des reproches et des petites humiliations qui enferment l’autre. Et petit à petit ressortent les clichés, les stéréotypes véhiculés par les hommes pour qui le problème vient toujours des femmes. Qui se réfugient dans une culpabilité douloureuse les empêchant de réagir avant qu’il ne soit presque trop tard. L’auteur ne juge pas. Jamais. Il montre. Comment la médecine, la police, la justice ont du mal face à ces situations. Comment, avec peut-être les meilleures intentions, elles ne font que prolonger ou amplifier les souffrances des femmes. Comment chacune et chacun doit ensuite trouver puis parcourir un chemin difficile pour se reconstruire.
Dans la dernière partie, c’est au sein de différents groupes de parole que les victimes racontent leur histoire. Et qu’Annie la termine ainsi : « j’ai eu cette idée un soir – je suis allée en forêt – avec une pelle – et j’ai choisi une petite clairière au bout d’un chemin – et je me suis enterrée – j’ai creusé un trou – et je me suis enterrée – parce qu’il avait réussi à me tuer et que j’avais jamais eu le courage de me le dire – je me suis juste recouverte de feuille évidemment – c’était symbolique – et je me suis relevée – et je suis rentrée chez moi. » Un très beau texte qui a reçu le Grand Prix de Littérature dramatique 2022.

Patrick Gay-Bellile

Scènes de violences conjugales
Gérard Watkins
Esse que éditions, 136 pages, 10

Mourir d’aimer ? Par Patrick Gay Bellile
Le Matricule des Anges n°238 , novembre 2022.
LMDA papier n°238
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LMDA PDF n°238
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