C’est un tout petit livre, modeste, fait de toutes petites choses. Mais tellement importantes. Et en filigrane apparaissent tout à la fois un projet de vie, un amour immodéré du théâtre, le plaisir de la scène, et le mode d’emploi de la conception d’un prochain spectacle. Comment se fabrique le théâtre, comment se tisse le lien jamais rompu avec l’enfance à travers les objets collectés, les manies, les fétiches, les rêves, comme un refus de perdre le passé au profit du présent, comme une volonté de tout garder, parce qu’un individu c’est tout ça. « L’enfant que l’on n’est plus en apparence est pour toujours enchâssé dans un corps grandi et il persiste. » Tout commence là-bas, dans ce territoire mystérieux, effrayant souvent, au sein d’une fratrie nombreuse d’où ressort Georges, le petit frère qui grandira mais refusera de quitter l’enfance. Et puis tout continue au théâtre. Macha Makeiëff nous raconte comment Lewis versus Alice, le spectacle présenté au Festival d’Avignon 2019, surgit. La part de hasard, le travail de recherches, et puis bien sûr les connivences avec Lewis Carroll : l’importance de la photographie, la présence insistante de la petite fille, la maison de Carroll débarrassée après sa mort de tout ce qu’elle contenait par sa famille, comme le fut celle de l’auteure, enfant, suite à un cambriolage. Le livre, le spectacle, une installation, l’ensemble forme une trilogie autour de la figure d’Alice. Bien dans l’esprit de Macha Makeïeff, directrice d’une scène nationale (La Criée à Marseille), auteure, metteuse en scène, photographe, plasticienne, et qui d’un genre à l’autre poursuit le chemin que parcourt la petite fille qu’elle fut. Il y a dans ce texte un bric-à-brac de souvenirs, d’objets, de rencontres aussi et puis un fil, comme une ligne de vie sur laquelle Makéïeff accroche des mots, des images, des interrogations et des mystères. « Où vont les spectacles, une fois éteints, dispersés ? » Elle nous livre une part d’intime, juste ce qu’il faut pour qu’ensuite tout nous semble logique et naturel. Comme le prolongement sensible et toujours présent d’un rêve d’enfance.
PGB
Actes Sud, 56 pages, 9,80 €
Théâtre Zone céleste, de Macha Makeïeff
octobre 2019 | Le Matricule des Anges n°207
| par
Patrick Gay Bellile
Un livre
Zone céleste, de Macha Makeïeff
Par
Patrick Gay Bellile
Le Matricule des Anges n°207
, octobre 2019.