On trouve un peu de tout dans cette somme : une quantité appréciable d’inédits, des critiques de cinéma, de la littérature, des textes ancrés dans l’actualité, et ce à quoi Vialatte ne nous a guère habitués : de la politique. Dans Bananes de Königsberg, on le surprend au chevet de « l’Allemagne névrosée » des années 1920, puis à ausculter celle de l’après-guerre, notamment à l’occasion du procès de Belsen (camp de concentration où périrent 150 000 personnes – Simone Veil fut des rescapés). Vialatte rapporte sur une dizaine de pages (« Candeur et hébétudes meurtrières ») des propos tenus par « des êtres humains extérieurement semblables aux autres ». Un exemple entre cent de paroles monstrueuses cueillies au vol : « On m’a dit que les condamnés s’étaient révoltés… J’ai hésité à le croire !… J’ai dit : c’est impossible ! » (propos d’un accusé nommé Kramer qui, en parlant d’une jeune fille qui voulait s’évader, a cru bon de déclarer : « Elle voulait partir, je ne sais pas pourquoi »). Dans Spectacle de l’homme et du monde, c’est autour de la guerre d’Algérie que se cristallisent ses prises de position : « On m’a prêté un hebdomadaire catholique : il consacrait une page entière à la photographie de Marilyn Monroe et à son cas psychologique. Il ne contenait pas une ligne sur les misères de deux millions de Français d’Algérie qui ont tous connu des horreurs humaines. »
Pour le reste, nous le retrouvons ici à peu près tel que nous l’avions découvert dans les deux précédents volumes. On assiste à un drôle de vagabondage, qui nous fait passer de la fontaine pétrifiante de Saint-Alyre au Salon de l’auto puis au sculpteur Henri Charlier dans les articles du Petit Dauphinois, ou de Kafka à Gaston Bonheur, de Buzatti à la comtesse de Ségur dans Le Spectacle du monde, comme si tout était digne d’être offert au lecteur. Ou plutôt : comme si rien ne devait être perdu, et comme si tous les détails comptaient pour tenter de dire le monde, tel qu’il est au moment où Vialatte l’empoigne, mais plus encore tel qu’il était mieux avant. Derrière l’apparente désinvolture du ton se cache peut-être quelque chose de plus grave, qui pourrait être le désir de retrouver le paradis perdu, dont il s’efforce de dresser l’inventaire, Vialatte faisant malgré lui œuvre de mémorialiste, la dérision servant alors à masquer la douleur nostalgique.
On y lit des considérations sur l’Auvergne : « Ce qui fait l’intérêt de l’Auvergne, c’est qu’elle est remplie d’Auvergnats. S’il faut en croire les dernières statistiques, elle en contient même plus que Paris. » ; ou encore : « Après le plaisir d’être français, il n’en est pas de plus grand en juin que d’être auvergnat. ». Des informations décisives sur les mois de l’année : « Le mois d’août date de la plus haute antiquité. Il se caractérise par une chaleur atroce. Il faut l’avoir vécu soi-même pour pouvoir s’en faire une idée. Le sergent de ville colle au bitume de la chaussée. L’Auvergnat ne porte plus que trois ou quatre...
Dossier
Alexandre Vialatte
Pot-pourri
juillet 2017 | Le Matricule des Anges n°185
| par
Didier Garcia
Après les deux volumes de La Montagne, voici un nouvel ensemble de chroniques journalistiques de Vialatte. Réjouissant.
Un livre