Les identités mouvantes de Mathieu Larnaudie
L’écriture, chez Mathieu Larnaudie, naît d’une pensée qu’elle engendre aussitôt, l’une et l’autre se nourrissant dans le désir d’appréhender, plus profondément, le monde où l’on est né. L’homme, de même, déploie une parole qui s’interroge et aussitôt précise le sens de ce qu’elle a voulu dire. La dynamique est en marche, et ce, d’autant plus facilement qu’elle déplie devant elle autant de territoires à explorer, autant de champs à sonder, presque géologiquement : de quoi est constituée l’histoire dont nous sommes les enfants ? Mathieu Larnaudie ne pérore pas, de professe pas. Il progresse dans ses interrogations et ses hypothèses dans la complicité qu’il établit aussitôt avec son interlocuteur, avec le public qui vient l’écouter lors d’une rencontre. Dans la pensée, il ne semble jamais marcher seul…
Mathieu Larnaudie, on a l’impression que vos romans répondent à une interrogation intellectuelle qui leur préside, là où d’autres écrivains partiraient d’une expérience voire d’une émotion. Comment naissent vos projets de livres ?
J’aimerais bien vous dire qu’il n’y a pas de règle et que le mouvement de l’écriture peut commencer de n’importe où et de maintes façons différentes, mais je suis en effet obligé de constater un cheminement récurrent, qui vaut, je crois, pour tous les livres que j’ai faits jusqu’à présent. Ils répondent d’abord à une question, ou à un ensemble de questions, que j’appellerais, à défaut d’autre mot, philosophiques, mais en donnant à ce terme un sens un peu confus, buissonnier, en marge en tout cas de la noble discipline que son acception académique désigne. Il me semble toutefois que ces interrogations ne sont jamais purement intellectuelles, qu’elles sont également de l’ordre de l’expérience et de l’émotion. C’est d’ailleurs parce qu’elles s’apparentent à des sortes de leitmotive intérieurs, qui font retour régulièrement, de façon tantôt lancinante, tantôt plus impérieuse, qu’elles deviennent l’objet autour duquel se cristallise le désir d’écrire. C’est ce retour même, obstiné, qui me désigne la nécessité que, pour moi, portent ces interrogations.
Elles m’accompagnent, se précisent, se reformulent peu à peu, elles infusent parfois pendant des années, de façon souterraine puis de plus en plus claire, pressante, et au bout d’un moment je ne peux plus leur échapper. Alors il faut bien que je m’en occupe, que je cherche un peu ce qui se joue là-dessous, et à leur faire sort, c’est-à-dire à leur donner une forme. Mais ça ne suffit pas : car il faut qu’une rencontre ait lieu, il faut une étincelle, une friction, une perturbation, un clinamen. Je ne sais plus où j’ai lu récemment que les flocons de neige se constituaient à partir d’une impureté flottant dans l’air, et que les particules d’eau glacée s’agrégeaient à cet élément contingent pour tisser ces formes merveilleuses, tellement subtiles, aux ramifications infimes et complexes. J’ignore ce qu’il en est de la validité scientifique de cette...