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Poches Vive, la France

janvier 2013 | Le Matricule des Anges n°139 | par Anthony Dufraisse

Le Dépaysement : Voyages en France

Foisonnants et bariolés, tels sont les livres de Jean-Christophe Bailly. Le Dépaysement n’échappe pas à la règle : voilà un « livre composite », « tenant par certains côtés de l’essai et par d’autres du journal de bord, du récit et de l’embardée, voire, épisodiquement, du poème en prose ». Sa matière ? La France. Rien de moins. Sa manière ? « Le cheminement ». Calepin en main, Bailly a sillonné le pays, laissant souvent au hasard le soin de lui dicter sa feuille de route. Et quel que soit son point de chute, il se laisse guider par sa curiosité. Chacune de ses « incursions » sur le motif donne ainsi lieu à un exercice du regard. Il se rend aux quatre coins du territoire (de Lorient à Nîmes et de Bordeaux à Metz), passe par les « terres du dedans » (par exemple Beaugency en région Centre), flirte avec les frontières (espagnoles, belges…), longe les chemins d’eau (la Loue, le Rhône, la Vézère).

Plaque sensible.

Tous ces paysages traversés sont comme des oignons à peler. Couche après couche, Bailly accouche de leurs récits, anecdotiques ou historiques. Tout lieu est un palimpseste qui fait se superposer quantité de traces, de souvenirs personnels (quand il revient quelque part), de références érudites et de symboles à décrypter. Tantôt loupe, tantôt longue-vue, l’écriture de Bailly donne à voir tout cela, plaque sensible qu’elle est. C’est ce sens de l’observation aiguë qui lui permet d’isoler ce qui fait signe et sens dans la matière culturelle dont tout endroit est pétri. Il pointe des « marqueurs discrets », dégage « des schèmes récurrents », démêle cette France qui n’est jamais qu’une « pelote complexe et enchevêtrée où époques, affects et dimensions » s’entortillent. Cette technique de composition qui consiste à multiplier angles de vue et perspectives sur un pays, qui parfois se présente en trompe-l’œil, articule l’impressionnante – et exigeante – volubilité de cette écriture.
Un mot, encore, sur la méthode Bailly. Dans la mesure du possible, il s’est détourné des lieux emblématiques, ceux des manuels scolaires. La France qu’il arpente n’est qu’à peine celle des fameux lieux-de-mémoire, pour reprendre l’expression désormais générique née de l’entreprise intellectuelle de l’historien Pierre Nora. N’en faisons pas pour autant un défenseur de la notion de « non-lieu », au contraire : « Le non-lieu est un faux concept inutilement disqualifiant, et le haut lieu, surtout si y souffle l’esprit, se confond avec une logique de classe, plus petite-bourgeoise qu’autre chose, éventée et convenue ». On l’a dit en commençant, Le Dépaysement est une réflexion déambulatoire sur l’identité française. Déclinée sur le mode de la variation et de la mobilité, cette cogitation circulatoire cherche à saisir, derrière les miroitements du temps éclaté et à travers les miroirs de la géographie, ce qu’est la France. Et cela, d’abord contre ceux qui voudraient la statufier. Car, coïncidence, le livre était en chantier au moment de la création de ce ministère sarkozyste de l’Identité nationale qui sous-entendait, pour la glorifier, une France éternelle, toujours-déjà constituée. De fait, donc, c’est contre cette idéologie selon laquelle « l’identité reposerait sur une essence des choses » que ce livre a pris corps. En « voyages en France », Bailly ne peut que constater qu’elle n’a pas une identité assignée, fixe. C’est même tout l’inverse ; elle est mouvante, fuyante, eau vive, bouillon et tourbillon : « En tout état de cause, l’ennemi visé ici, c’est l’identité, telle qu’elle est brandie comme un état auquel, moyennant certaines conditions, on pourrait avoir le bonheur d’accéder : il n’y a pas, il ne peut pas y avoir – que cela soit dit une bonne fois pour toutes – d’identité française arrêté et délimitable ». Et plus loin, de préciser sa pensée : « La France existe et continue d’exister, mais en tant qu’elle est l’espace d’une redéfinition qui l’ouvre et la retend ».

Anthony Dufraisse

Le Dépaysement : Voyages en France
Jean-Christophe Bailly
Points, 491 pages, 8,10

Vive, la France Par Anthony Dufraisse
Le Matricule des Anges n°139 , janvier 2013.
LMDA papier n°139
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