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Courrier du lecteur Amours chiennes

mars 2010 | Le Matricule des Anges n°111 | par Éric Holder

Février a témoigné, une fois encore, d’un art de la biscouette, selon le joli vocable en usage dans le Sud-Ouest pour désigner la feinte, l’esquive, le crochet. Sur un terrain de rugby : le contre-pied. Rien que le mot de « février », en soi, glisse, se dérobe.
Il apparaît sur la scène de l’année vêtu de la traîne de janvier, monsieur Loyal de mars qui, lui, déboule avec fracas. Et vas-y que ce dernier, d’un seul mouvement de manchettes, parsème de jaune la campagne, jonquilles, forsythias, ajoncs ! Ôte son chapeau, et hop ! des insectes hébétés réclament qu’on leur ouvre la vitre. Pointe un doigt en direction d’un gîte caché sous un tronc couché, aussitôt émergent des petites couleuvres endormies, qui goûtent l’herbe comme des poissons remis à la mer, avant de s’y faufiler.
Le merveilleux, dans le printemps, c’est de constater qu’il nous dépasse. Que, lorsque nous n’y serons plus, il y sera encore. Remettra des œufs au poulailler, des agneaux dans le pré.
Une hirondelle ne ferait pas le ? Sornettes ! Et le guêpier, alors, qui strie de son vol émeraude les saules où poussent les premières feuilles ?
Quelle extraordinaire lubie de la nature nous vaut cet exotisme à portée de jardin ? D’un vert de jungle, avec sa gorge rouge, son loup noir où brillent des yeux orange vif. De constater qu’il vit parmi les saules, donc - alors que les mésanges en pincent, elles, pour les pommiers, leur cou bleu d’Islande tourné en direction du ciel - constitue une des énigmes qu’on aimerait voir résolues, avant de passer.
*
J’ai une chienne. Enfin, ce n’est pas la mienne. Je me doute que ce genre de nouvelles n’intéresse personne, hormis celles qui ont une femme possédant une chienne. De format et de couleur sac de pommes de terre salies, trente kilos. La chienne, pas ma femme.
Ma femme a des yeux profonds, sa chienne non. Elle attend, toute la journée, le regard énamouré, que je lui ouvre la porte ? Que je lui caresse le ventre ? Que je lui lance un bâton ? Que je remplisse sa gamelle ? Je vis en compagnie d’une virgule jaune qui bat continuellement le mollet.
Je m’étais fabriqué jusque-là, avec ma femme, les chats, une existence intéressante. Je ne dis pas palpitante, mais enfin, il suffisait de lever le petit doigt, de hausser un sourcil pour que tout le monde comprenne. Un frémissement de moustache, une variation dans la vibrisse créaient l’événement. Dorénavant, nous courons après.
C’est un truc qui vit à temps plein, jamais fatigué, et ne doutant de rien. Toujours content, c’est peut-être ça le pire. Trente mille grammes de confiance dans lesquels pas une faille. Et qu’il s’agit d’entretenir. Il faut faire en sorte que chez le canin, toujours un bout de langue rose dépasse.
Les chats, au moins, ont du respect, vous interrogent, avant d’intervenir. Le chien ne prévient pas.
Le chien court après l’insolite, l’invisible, lequel, écrit René Char, a « la densité de la rose qui se fera ». Que voit la chienne, qu’on ne voit pas ? On lui court au cul, persuadé qu’un danger arrive, que le monde va se défaire, qu’un tsunami arrive, qu’elle seule peut sentir (j’adorerais être nos voisins.)
Ses aboiements rauques ont réveillé le jardin (déboussolé les mésanges, le guêpier, pétard ! les chats, réfugiés jusque sur le toit…)
La terre des taupinières, nombreuses au printemps, comblera-t-elle les trous qu’elle a creusés, dans lesquels on peut plonger le bras jusqu’à l’épaule ? Des récits circulent, à propos de son espèce. Comment font-ils, celles, ceux qui connaissent la même, dans un appartement ?
En ce moment, ça va, elle dort, la « Brador ». Par quoi ses songes sont-ils traversés, quelles fulgurances lui tirent des soupirs, des gémissements, derrière les plis de son museau ? Ceux, épais, de son cou ? À quoi rêvent les chiens, les chiennes ?
(Elle a un cul créole, la molle enchanteresse. Je l’ai mesuré tout à l’heure. Trente-cinq centimètres. Elle ne prend pas plus de place que ça ? L’exercice lui a plu. Elle se demande quel jeu allons-nous à nouveau inventer. Au fond, passerait sa vie à expérimenter de nouveaux jeux.)
*
Nous qui ?
Nous qui avons deux choses interdites, en tant que chroniqueurs. Parler des livres (ça ferait des doublons), dire du bien de la rédaction.
Thierry si vif, Philippe tellement attentif… Ouf, ça fait du bien.
*
Lu, grâce aux soins d’un autre journal, Le Grand Loin, de Pascal Garnier (T’as lu un livre, il faut le faire…)
Le narrateur paye cinq cents euros pour que sa fille couche avec le barman.
Ce n’est qu’une toute petite accroche.
Il y a Le Touquet, il y a Limoges, il y a Agen.
Il y a surtout, page 51, mine de rien, comme on sifflote, en passant :

Pourquoi n’existait-il pas de mot faisant office de gris entre le oui et le non ? Quelque chose comme « peut-être », mais en plus subtil.

On ne voudrait écrire que pour signer ce genre de choses.
Voilà que la chienne aboie.

Amours chiennes Par Éric Holder
Le Matricule des Anges n°111 , mars 2010.
LMDA papier n°111
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