Suite au décès de sa mère, Simon s’est échappé du bureau avec une collègue, Claire, pour aller régler d’ultimes formalités. Dans la maison maternelle où ils arrivent, enfance et mort se mêlent en huis clos. Au dehors, la chienne d’à côté, Walkyrie, saccage les fleurs du jardin, incitant les voisines à venir chanter des lieder de Schubert afin de demander pardon. Étranges femmes, d’une lascivité troublante : elles vont et viennent, puis apprennent à Simon que sa mère disparue… était en fait son père. Et que tous les quatre étaient amants.
Dans cet univers saturé de désirs qui navigue entre réalité et chimère, silences et musique, mâle et femelle, sexe et mort, Rémi de Vos se plaît à perdre son personnage central, Simon. À un « quartett » ambigu viennent s’ajouter deux fantasmes : une étrange « pute », réminiscence de sa première expérience sexuelle et… Walkyrie, la chienne coupable du saccage, qui devient elle-même l’instigatrice de préliminaires sexuels. « C’est la première fois que je perds ma mère », admet Simon : cette plongée dans l’inconnu est aussi comique qu’elle est l’occasion de fantasmes inquiétants soudain libérés, pour un dénouement proche du tragique.
L’écriture de Rémi de Vos est laconique, rythmée de monologues qui assurent les transitions d’un thème à l’autre, un peu comme les tours de chants qui, de Schubert au fado, se succèdent. Point d’incommunicabilité ici : c’est la prise de distance par rapport aux mots et à leur musicale inanité qui prime. Rémi de Vos pastiche les malentendus de la séduction, et l’aiguillon émoussé des mots intimes, comme si le comique réel de ce théâtre venait de la dénonciation soudaine des clichés d’une langue épuisée que véhiculent séries TV, écrans publicitaires, ou mauvais romans. C’est cette écriture, plus qu’une histoire de sexe et de mort, qui fait du théâtre de Rémi de Vos un théâtre contemporain, figeant dans l’inutile la plupart des mots quotidiens.
Sextett (suivi de)
Conviction intime
dE RÉMI DE VOS
Actes Sud-Papiers, 80 pages, 14 e
Théâtre Sextet
novembre 2009 | Le Matricule des Anges n°108
| par
Etienne Leterrier-Grimal
Un livre
Sextet
Par
Etienne Leterrier-Grimal
Le Matricule des Anges n°108
, novembre 2009.