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Avec la langue Plus beaux les mots

avril 2008 | Le Matricule des Anges n°92 | par Gilles Magniont

Aujourd’hui, de chouettes histoires pour charger ta langue et t’alléger la vie.

À la suite d’un accident de scooter, Thomas le narrateur a perdu l’usage de ses jambes. Au collège, c’est moyen moyen : il ne communique guère, et, handicapé qu’il est, n’espère même plus sortir avec sa jolie condisciple Mia. Voilà qu’emménage dans son immeuble un curieux voisin : Bertrand Pavot, professeur de linguistique à la retraite, qui emploie de drôles de vocables, comme accorte, potinière ou débagouler, et lui révèle être « entré en résistance pour sauver les mots, nos mots, les tiens, les miens, ceux de la langue française ». Thomas trouve l’homme un peu chelou, mais succombe peu à peu à son charme lexical : au chapitre 6 il s’endort sur le dictionnaire, au chapitre 7 il participe à une réunion de la Société Protectrice des Mots. L’heure est grave, chaque membre se devant d’ « adopter » un mot, à savoir l’utiliser « à tire-larigot chez la boulangère, la poissonnière, qui le resserviront à leurs clients »… de sorte qu’il ne sombre pas dans l’oubli. Thomas se jette à l’eau. Il adopte abscons, devient le centième membre de la SPD, s’y lie d’amitié avec Mathieu le slameur - « J’ai toujours aimé écrire mais j’écrivais juste pour moi, tu vois ? Le slam, c’est tout le contraire, c’est le partage des mots, du plaisir de les entendre, les tiens et ceux des autres ». Ensemble, ils forceront l’admiration de leur prof de français, qui avait demandé à ses élèves une « idée de projet humanitaire original » : c’est le sauvetage des mots qui va alors devenir la grande aventure du collège, couronnée un beau jour de juin par plusieurs discours en salle polyvalente, dont celui de Pavot qui déclare « kiffer grave » ses jeunes recrues. Thomas et Mia s’embrassent sur la bouche.
« Voilà, tout est bien qui finit bien ! » : ainsi se conclut Suivez-moi-jeune-homme, récemment paru aux éditions Casterman. Yaël Hassan est un « auteur jeunesse » à succès ; ce roman lui vaut le prix 2007 de La Nouvelle Revue Pédagogique décerné par des professeurs et documentalistes « de terrain » (sans doute à distinguer du documentaliste conceptuel), ex aequo avec Be Safe, de Xavier-Laurent Petit (l’Irak, l’embrigadement) et La Mémoire trouée d’Elisabeth Combes (le Rwanda, l’après-génocide). Trois romans « intenses et originaux, (…) choisis parmi une sélection de livres qui se prêtent par leur qualité d’écriture à une lecture scolaire » ont ainsi été récompensés par le « mensuel pratique des professeurs de lettres ». Il est vrai que Suivez-moi… est d’un usage très commode. Nos cent momoribonds ayant été glissés au fil des pages, c’est sur le terreau des écritures d’invention pratiquées dès la 6e que la prose semble avoir ici poussé ; selon un cercle infiniment pédagogique et bienheureux, elle saura y retourner au gré de malicieuses consignes (Sur le modèle du roman étudié en classe, décrivez un gang bang en employant les termes dilection, ithyphalliques et repue). Mais l’exercice n’est pas tout, et si Suivez-moi… figure sur le podium de la NRP aux côtés de deux récits de guerre, c’est qu’il propose un parcours de vie plein de saveur. À mesure qu’il apprend les mots du dico, Thomas oublie le fauteuil sur lequel il roule. Il s’ouvre aux Autres : le devoir de mémoire est promesse de résilience. Et notez que son « handicap » fonctionne comme métaphore de tous les handicaps. Tout ce qui nous isole et nous aigrit, et qu’un coup de langage magique saura transmuer : Bonjour les copines et les copains/ Kiffe mon Littré d’où que tu viens/ Abd El Malik, Gonzague Saint-Bris main dans la main/ désormais tout est bien !
Le jury enseignant a donc eu la main heureuse. Il n’a encore toutefois encore rien vu, car le prochain roman de Yaël Hassan risque de faire date. En exclusivité, nous sommes en mesure d’en dévoiler l’intrigue. Au début de La Béchamelle du Bonheur, on découvre que le petit Patrick, atteint de mucoviscidose, a été mis au ban du groupe classe : c’est qu’il a par malheur confondu l’urne des mots disparus et celle des enfants déportés. Une deuxième chance lui est toutefois offerte : une nuit, le fantôme de Bescherelle se présente à lui (Patrick, étourdi, croit d’abord entendre Béchamelle) pour lui proposer d’adopter une conjugaison délaissée. L’ado hésite, puis jette enfin son dévolu sur le passé simple de résoudre - s’ensuivra une belle amitié avec Razvan, pittoresque Roumain-Migrant, au terme de laquelle ils monteront une assoce, ou travailleront dans le social. L’auteur hésite encore sur la fin, mais une chose est sûre : il y a là de quoi remporter les Darcos Awards 2008.

Plus beaux les mots Par Gilles Magniont
Le Matricule des Anges n°92 , avril 2008.
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