Rosetta Loy aborde dans ce recueil de nouvelles un moment très particulier de la période de guerre. Alors qu’ils mènent une vie paisible faite de désinvolture et de mondanités, ses personnages apprennent que le conflit mondial est déclaré. Un univers proustien, faits d’hôtels de luxe et de villas d’été, de parties de tennis et de promenades dans les jardins disparaît d’un coup. La séparation et la mort le remplacent, sans pourtant qu’aucun combat ne soit jamais évoqué. Rosetta Loy préfère analyser cette sidération qui saisit les uns et les autres lorsque la nouvelle tombe. Un critique musical allemand s’invite chez un couple italien à l’été 39. L’épouse de l’hôte en tombe amoureuse, mais se tient drapée dans les convenances. La guerre oblige les hommes à choisir leur camp. Au cœur d’une histoire sentimentale presque banale, l’horreur s’immisce sans prévenir. Instillée par une narratrice qui rappelle le coryphée des tragédies antiques : « sa femme est Juive polonaise et pour eux de mauvais jours se préparent ». Plus question de s’abandonner à la contemplation de la nature, vient le temps de l’industrie, des armes et de l’anéantissement scientifique. Les phrases sinueuses, imagées et sensuelles des temps de paix n’auront plus cours. Il reste de ces histoires d’amour impossible la nostalgie d’un paradis perdu où il faisait bon s’oublier grâce à d’innocentes préoccupations. « Absorbé par la contemplation, il n’avait perçu que l’harmonie de cette journée, l’associant pour toujours à l’heure, à la saison, à la lumière de cette place avec les feuilles abandonnées dans le soleil ». Une autre époque.
À l’insu de la nuit de Rosetta Loy
Traduit de l’italien par Françoise Brun,
Rivages poche, 203 pages, 7 €
Poches La nuit tombe
janvier 2006 | Le Matricule des Anges n°69
| par
Franck Mannoni
Un livre
La nuit tombe
Par
Franck Mannoni
Le Matricule des Anges n°69
, janvier 2006.