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Jeunesse Jonas et Moby Dick

janvier 2001 | Le Matricule des Anges n°33 | par Thierry Guichard

Sous couvert d’une histoire de science-fiction onirique, Serge Perez compose un hymne à la vie, à la nature et à l’amour. Et fait grincer les rouages d’une société qui ressemble beaucoup à la nôtre.

La Terre est devenue invivable. Les violences et la pollution ont fait de notre planète un astre en perdition. Les hommes savent qu’ils en seront bientôt expulsés. Un programme de voyage intergalactique est monté : une arche de Noé des temps modernes qui ne prendra à bord que quelques privilégiés. Mais le convoi se perd dans le silence et disparaît tragiquement des radars. Un autre, plus tard, plus impressionnant, repartira pour tenter de construire de nouvelles colonies.
Tom et Laura vivent plusieurs milliers d’années après cet exode. Enfants d’un même ventre, ils s’apprêtent à entrer dans l’âge adulte. En attendant l’astrobus depuis leur « triste et vieille planète », ils contemplent dans le ciel les innombrables Baleines Rouges qui traversent l’espace…
Dans une semaine, ils vivront la cérémonie du « Don Universel » lors de laquelle on leur prélèvera « les fondements de la vie » pour que se poursuive le cycle des naissances. Ils seront ensuite affectés à une tâche bien précise et oublieront de leurs études les leçons qui ne leur seront pas utiles. Leur existence s’appellerait bonheur si l’esprit vagabond de Tom ne rêvait pas mélancoliquement à une autre vie.
Heureusement la douce Laura veille sur Tom, comme elle le fit durant toute leur enfance, afin qu’il chasse ses pensées néfastes.
L’astrobus qui vient les chercher est à l’image de ce monde : il a la forme d’un œuf gigantesque qui glisse silencieusement dans l’espace après que les enfants y sont montés et qu’une voix douce et synthétique leur a demandé d’attacher leur ceinture.
Voilà, nous ne sommes qu’au début de ce roman envoûtant, et nous voyons là-haut les rapides baleines rouges en perpétuelle errance. Le silence sidéral dans lequel nous glissons nous envoûte, et c’est doux. Terriblement doux.
Dans cette vie future, les enfants naissent comme des bébés éprouvettes, sur une planète choisie pour cela. La société est leur mère. Élevés en couples de frère et sœur, ils sont abreuvés de sons et d’images pour apprendre le monde pour lequel ils vont travailler. Apprentissage du monde réglé comme du papier à musique. Il s’agit de faire des citoyens, pas des individus…
Tom et Laura s’apprêtent donc à prendre place dans ce cycle impeccable. Mais, alors que file l’astrobus, un choc violent se produit et Tom est expulsé dans l’espace. La douleur est un cri muet. Un hurlement dont l’écho se prolonge : Laura appelle Tom, Tom appelle Laura. L’espace les absorbe et les sépare. Tom dérive seul, l’astronef a disparu. La douleur est une émotion qui nous envahit. Tom souffre de savoir Laura souffrante. C’est toujours à l’autre que chacun pense. Le garçon espère qu’un astronef viendra le chercher mais c’est une baleine rouge, aux yeux humides, qui file vers lui…
Les lecteurs de Serge Perez seront surpris. On est loin ici de la très réaliste trilogie du petit Raymond commencée avec Les Oreilles en pointe (L’École des loisirs, 1995). Mais la science-fiction onirique de Serge Perez explore pourtant de semblables territoires. C’est un frère et une sœur, un amour infini, instinctif qui n’a pas besoin de mots ; semblables à celui de Raymond et de sa sœur trisomique. C’est l’enfer où finissent les rêveurs et les fragiles, qu’ici on élimine sur des planètes où l’on imagine des holocaustes… Dans ce roman où la narration s’essaie au chant, les phrases de l’écrivain mettent le lecteur en état d’apesanteur. Presque sous hypnose, on entre dans une autre histoire, sur le continent inconnu d’avant notre naissance. Quand s’aimer était une respiration… C’est là sa force : miser sur la confiance de phrases suspendues pour nous faire passer d’un monde à un autre.
Rouge Baleine est un roman magnifique sur la naissance (les hommes expulsés de la terre, l’œuf de l’astrobus, les baleines chassées des eaux maritimes), sur l’amour sororal, sur un réel qui nous est volé pour être remplacé par une réalité officielle. C’est l’expulsion de l’enfance et l’errance qui devient un destin.
Dans J’aime pas mourir (L’École des Loisirs, 1996) le troisième volet de sa trilogie, Serge Perez racontait comment son jeune héros, Raymond, se laissait glisser dans le coma pour échapper à la dure réalité d’une famille violente. Attiré par les images d’un amour parfait, notamment avec sa sœur, il préférait mourir à vivre. D’une certaine manière, c’est le même voyage mais à rebours qui s’effectue ici. Et, sans en révéler la fin, on remarquera seulement que le livre se clôt sur une naissance. Celle de toute l’espèce humaine…

Rouge Baleine
Serge Perez

L’École des Loisirs
137 pages, 50 FF

Jonas et Moby Dick Par Thierry Guichard
Le Matricule des Anges n°33 , janvier 2001.
LMDA PDF n°33
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