Il n’est pas facile de s’approprier la thématique amoureuse, sans risquer de sombrer dans la mièvrerie. Rares sont les poètes qui ont su réussir cet exercice de style, Mahmoud Darwich est l’un d’eux. En s’inspirant d’une vieille tradition orientale, mêlant sensualité et courtoisie, l’auteur revisite le ghazal, un genre de la poésie arabe classique. Un style hautement lyrique nous emporte avec force dans un mélange d’exil et d’absence. Le dialogue avec l’être aimé permet au poète de faire rejaillir les civilisations oubliées (Sumer), les mythes et tout ce qui fait l’histoire du monde méditerranéen. Mahmoud Darwich joue alors à tisser des passerelles entre le passé et notre quotidien contemporain, où l’on croise une fille qui pleure à un arrêt d’autobus… L’auteur met en évidence les liens qu’unissent le poète et la femme : « Qu’une femme s’en va, au soir, vers son secret,/ Elle trouve un poète marchant dans ses obsessions./ Et chaque fois qu’un poète va au plus profond de lui,/ Il trouve une femme se dénudant devant son poème… » L’interrogation prend possession du poète, il se soumet alors au questionnement des origines et s’offre ainsi un mélange culturel et religieux : « Qui serai-je demain ? Naîtrai-je de ta/ Côte, femme ne me souciant que de tes atours/ De ton univers ? » Tous les âges de la vie sont également abordés au fil des pages, et les images de multiples époques se superposent : « Cette nostalgie était peut-être notre moyen de durer. » L’auteur, né en 1942, a déjà publié une vingtaine de recueils qui ont fait de lui l’un des plus grands poètes contemporains de langue arabe. Ce nouveau livre de Mahmoud Darwich n’est pas autre chose qu’un immense chant d’amour rendant hommage à la femme : « Ce qui n’a pas été féminisé est… vain ».
Le Lit de l’étrangère
Mahmoud Darwich
Traduit de l’arabe (Palestine)
par Elias Sanbar
Actes Sud
78 pages, 79 FF
Jeunesse Hommage à la féminité
janvier 2001 | Le Matricule des Anges n°33
| par
Stéphane Branger
Un livre
Hommage à la féminité
Par
Stéphane Branger
Le Matricule des Anges n°33
, janvier 2001.