L' Animal N°1
La naissance d’une revue est un événement trop précieux pour ne pas être salué, surtout lorsque l’entreprise est remarquable. Après La Main de Singe, L’Œil de bœuf, Le Guépard… le bestiaire s’élargit donc d’un nouveau pensionnaire. Tiré à 800 exemplaires, L’Animal est exclusivement thématique (sa première livraison s’articule autour du thème Richesse et pauvreté) et paraîtra chaque semestre (en mai et en novembre). De très belle facture -grand format (21/27) sur papier recyclé, mise en pages aérée et audacieuse-, elle assure un confort de lecture conforme à l’ambition de sa ligne éditoriale. Comme l’annonce un peu précieusement son responsable Thierry Hesse, L’Animal a ainsi pour but « de délivrer un sens captif des choses, un air rare, étouffé ou perdu, une place retirée d’où viendra la surprise ». En d’autres termes, L’Animal se veut un espace de réflexion. Son sous-titre Littératures, arts et philosophies témoigne de sa volonté de croiser les langues et les genres. En tout : une quinzaine de contributions. On retrouve de nombreux enseignants en philosophie (dont le directeur de la revue) qui dissertent sur le thème choisi en convoquant la pensée des plus illustres (Walter Benjamin, Jean-Jacques Rousseau…), un spécialiste d’économie, quelques écrivains majeurs (Jude Stéfan, Eugène Savitzkaya, le trop méconnu Hermann Ungar -apôtre de la morbidité), ainsi que le travail (très convaincant) de deux photographes (Frédéric Cornu et Patrick Kuhn). Le premier a réalisé le portrait de six pensionnaires de deux monastères cisterciens. Le second montre quelques instants fugitifs de la vie d’un couple, gens de peu, habitant une baraque en tôle posée sur un tas de gravat. Ces deux reportages valent tous les bavardages du monde. Au sommaire également : un poème d’Antoine Emaz et un texte manuscrit de Francis Marmande (un peu maniéré).
L’ensemble est soigné, riche de ses diversités, et surtout extrêmement cohérent. Le seul reproche que l’on pourrait formuler est la faible place accordée à la littérature -à la fiction- ( en terme de pagination) même si le thème retenu « est un sujet qui ne tolère guère les effets de style, car la pauvreté ne se raconte pas », prévient très justement l’un des auteurs William Schuman. Les longs articles -ennuyeux ou passionnants comme un cours de philosophie- n’évitent guère parfois le piège de la phraséologie : « L’essence fluente (…) de la riche pauvreté (…) semble flotter entre l’immanence close sur soi et le transcendance ek-statique ». Bref, L’Animal a très belle allure. Assurément, il ne lui reste plus qu’à trouver son rythme.
L’Animal N°1
126 pages, 100 FF Abonnement 2 N° 180 FF (17, rue Saint-Jean 57 000 Metz)