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Domaine étranger Les eaux grasses

avril 2024 | Le Matricule des Anges n°252 | par Éric Dussert

Avant d’être George Orwell, Eric Blair faisait la plonge à Paris grâce à sa rencontre avec un ancien capitaine russe. Une filature d’histoire littéraire.

Orwell à Paris. Dans la dèche avec le capitaine russe

Musicien franco-anglais sous le pseudonyme de Barton Hartshorn, Duncan Roberts a conçu lors d’une expérience de vache maigre en Australie où il a été contraint d’assumer le poste de cuistot dans un restaurant une passion pour Dans la dèche à Paris et à Londres de George Orwell. C’était le premier livre du Britannique Eric Blair, ex-policier colonial, futur grand auteur de 1984 et combattant en Catalogne. D’abord publié sous le titre de La Vache enragée dans une première traduction en 1935, le récit portait la mention d’un capitaine russe non identifié qui était le cothurne de Blair dans sa débine, un capitaine souffrant d’arthrite au genou gauche et hospitalisé à l’hôpital Cochin en même temps que l’Anglais atteint d’une sale grippe. L’énigme était trop taraudante pour Duncan qui s’est lancé aux trousses du personnage. Parfait amateur en matière de recherche, il aurait pu se heurter à une opacité totale car Blair a maquillé les patro- et toponymes qu’il cite, ne laissant à la tour Eiffel l’occasion d’exister que sur une demi-ligne.
Il ne faut pas croire que Dans la dèche d’Orwell est du même tonneau que Paris est une fête d’Hemingway ou que les Jours tranquilles à Clichy de Miller. On en est loin, exactement du côté de Paris est une dette du Tunisien Saber Mansouri (Elyzad, 2024), qui, venu finir sa thèse dans la Ville Lumière y a fini boucher… Pour Orwell/ Blair, Paris ce sera un coup la plonge dans un hôtel de luxe du côté de la place Vendôme, avec des cuisines pas plus propres que ça, et puis la plonge dans un boui-boui dans le XVe arrondissement, rue du Commerce où une colonie de Russes blancs s’était installée après la Révolution de 1917. À pied le plus souvent, Eric Blair traversait la capitale en même temps que plusieurs mondes sociologiques étanches. Duncan Roberts se fait historien de la ville : « Personne ne vend des assiettes de tripes dans cette rue et plus on avance, plus les établissements semblent monter en gamme. Le magasin d’antiquités de M. Tourau apporte la preuve ultime que, décidément, les choses sont bien différentes ici. D’un seul coup, la logique des quartiers les plus pauvres est inversée de façon cruelle : l’ancien coûte plus cher que le neuf »
Passionnante, cette plongée dans la vie parisienne d’Orwell est aussi le récit d’une enquête longue et un peu échevelée qui démontre que sans l’aide de vieux Russes et d’historiens spécialisés, nul aboutissement n’aurait été possible. Le cheminement qui mène le chercheur amateur de Belgique aux bords de la mer Noire permet à Roberts de réinventer la rue des années 1920, produisant des documents nouveaux, livrant enfin la face du capitaine russe et son curriculum, lui qui n’était encore qu’un fantôme littéraire. Au bout du compte, le livre est un superbe hommage aux chercheurs indépendants, rois de la débrouille et du système D, êtres patients capables de dérouler du microfilm des jours entiers avec l’espoir de retrouver un nom à l’orthographe incertaine dans des registres sans âge photographiés par des opérateurs parfois hâtifs… Partage et réseau ont des effets indéniables sur le savoir, jusqu’à permettre la visite du petit monticule de terre qui marque encore la place de sa tombe, une concession trop courte pour avoir été conservée… Quant à Eric Blair, qui n’imaginait pas son importance à venir, il avait toutefois pigé un truc du milieu qu’il allait bouleverser : « Écrire, c’est de la foutaise. Il n’y a qu’une seule façon de gagner de l’argent en étant écrivain : c’est d’épouser la fille d’un éditeur. »

Éric Dussert

Orwell à Paris.
Dans la dèche avec le capitaine russe

Duncan Roberts
Traduit de l’anglais par Nicolas Ragonneau
Préface de Thomas Snégaroff,
Exils, 236 pages, 22

Les eaux grasses Par Éric Dussert
Le Matricule des Anges n°252 , avril 2024.
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