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Poches Usages des livres, usages du monde

juillet 2022 | Le Matricule des Anges n°235 | par Christine Plantec

Marielle Macé analyse l’expérience de la lecture comme forme de vie, non pas en son cœur mais dans son cours, prise dans les mailles de ses forces vives.

Façons de lire, manières d’être

Actuellement résidente à la Villa Médicis, Marielle Macé y réalise « un projet d’enquête et d’écriture, intitulé La vie poreuse, consistant à prendre autour de Rome le pouls du fleuve et des vies qui s’y frottent » (site de l’Académie de France à Rome). Une autre manière de faire l’expérience de ce qui se passe lorsque deux milieux hétérogènes (l’un naturel, l’autre littéraire) font jonction en un même écosystème fondé sur la diversité des formes de vie.
Façons de lire, manières d’être affirme avec force ce postulat de la porosité et des liens solidaires entre domaines : la lecture loin d’être une activité hors-sol est pour l’auteure un moyen d’habiter le monde et d’en infléchir la forme. Il ne s’agit plus de limiter l’acte de lire à une expérience esthétique mais au contraire de montrer en quoi la littérature par le prisme de la lecture est une pratique relationnelle, une conversation entre soi et le monde. Arrimée à la théorie structuraliste, souveraine à la fin des années 60, la lecture a longtemps consisté à déchiffrer les formes et les significations du texte littéraire. C’est encore ainsi qu’on enseigne la littérature. Ce que Macé défend ne s’oppose pas radicalement à cette conception mais plutôt que d’en faire un horizon, elle en fait une étape.
Si pour elle, la littérature est le lieu où s’élaborent des formes esthétiques, celles-ci une fois rencontrées par le lecteur connaissent un autre destin. En prenant appui, entre autres, sur sa lecture de La Recherche et de la « singularité rythmique et motrice » du phrasé proustien, l’auteure y décrit « un corps à corps entre un individu et » ce qu’elle nomme « des directions formelles ». De quoi s’agit-il ? En épousant les plis intérieurs d’un personnage et d’un style, le lecteur fait l’épreuve d’émotions, de sensations qui le poussent à négocier en permanence avec ce qu’il est. « Devant le texte, dans le processus dialectique que suppose sa réalisation, à l’intérieur du lecteur, de ce texte, c’est toute une manière mentale qui s’éprouve ; qui s’éprouve parce qu’elle fait l’objet d’une prise de conscience (la conscience de ses propres plis, de ses propres accents) – jusqu’à l’étonnement qu’on a de se voir tel qu’on ne se savait pas être (…) ; mais qui s’éprouve aussi au sens où elle engage une lutte, une altération, une bifurcation du tout au tout ». Autrement dit, les œuvres modifient notre identité dans la mesure où la lecture nous déplace et favorise des processus d’identifications ou de contre-identifications (à des personnages ou à des formes, des citations, tous ces fragments de vie et de mots qui une fois lus nous accompagnent pour toujours).
La lecture est « une pratique d’individuation » parmi d’autres où se font jour des besoins et des dispositions propres à chacun : «  certains cherchent et modulent des vertiges ; d’autres ont peu de dispositions à se perdre » (Sartre cité par Macé). Ainsi des dispositions propres ont poussé Bourdieu vers le Flaubert de L’Éducation sentimentale, Rancière vers Emma Bovary si différente de la femme dépressive à quoi elle est souvent réduite, Barthes vers Baudelaire et toute son œuvre poétique et critique…
Façons de lire, manières d’être est ce pas de côté qui place la littérature dans un domaine plus vaste, celui des sciences humaines et sociales. Et cela tient au fait que l’auteure a fait l’expérience de son positionnement intellectuel, que celui-ci est le fruit d’un bouleversement de son éthos « comme si la littérature m’avait délivrée de la littérature », confie-t-elle dans sa préface. « Impossible désormais pour moi de considérer les œuvres sans considérer les possibilités d’êtres qu’elles soutiennent, instituent ou critiquent (…), sans m’intéresser avant tout aux pistes de vie qu’elles sont capables de libérer ». Cette prise de conscience a également modifié sa manière d’enseigner et les valeurs qu’en tant qu’enseignante-chercheuse elle communique.
Impossible dès lors de faire marche arrière d’autant que la langue de l’auteure s’émancipe, gagne en incarnation, se métisse à mesure que l’œuvre se déploie et comme dans son dernier opus, Une pluie d’oiseaux (Corti), cela l’autorise à « plonger plus profond dans la parole ».

Christine Plantec

Façons de lire, manières d’être
Marielle Macé
Gallimard, « Tel », 258 pages, 11,50

Usages des livres, usages du monde Par Christine Plantec
Le Matricule des Anges n°235 , juillet 2022.
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