Notre âme des Paris ou les carnets secrets de la Esmeralda développe une tentative de décryptage et de relecture du livre de Victor Hugo que Serge Pey considère comme un long poème. À l’instar de Tristan Tzara, membre du Comité antifasciste toulousain, qui a révélé un contenu ésotérique chez François Villon, Serge Pey « brûlé » par la lecture de Notre-Dame de Paris, y découvre des ors alchimiques. Grâce au trobar clus, qui permet de rendre un texte hermétique, et à l’onomastique, il s’aperçoit qu’Esmeralda, « ce serpent rampant qui ne brûle pas dans le feu » est la salamandre. Phœbus, le soleil, Frolo, l’anagramme d’or fou, Quasimodo, la matiera prima et que Frère Tourangeau n’est en fait que le roi Louis XI, dont le T renvoie aux argonautes. « Hugo écrit le mystère de La Toison d’or », selon Pey. On croisera ici Nerval, Balzac, George Sand, Louise Michel, Apollinaire, Allen Ginsberg et même Blanche-Neige… À noter que l’ouvrage fut envoyé à la publication quelques heures avant l’incendie de la cathédrale. Vengeance d’Hugo, d’Esmeralda ?
Le Trésor de la guerre d’Espagne suivi de La Boîte aux lettres du cimetière est la réédition de deux recueils. « De chaque nouvelle, il y a des poèmes qui ont surgi ou des nouvelles ont été issues des poèmes. » Le fil rouge : les souvenirs d’enfance du poète, l’élaboration de sa sensibilité, ses premières investigations dans les mondes de la pensée, de l’agir, des langues. Un enfant déjà blessé par la cruauté du monde, l’injustice, la pauvreté, mais porteur d’une force de vie exceptionnelle. Un enfant dont le père fut parqué sur la plage d’Argelès, à même le sable. La plupart de ses compatriotes, républicains espagnols, vaincus, exilés y mourront de dysenterie. Pour conjurer ce terrible sort, Pey utilise un basculement sémantique et transforme la merde en or. Ainsi bien plus tard des survivants viendront creuser cette plage rendue aux touristes pour y chercher un hypothétique trésor. Quant à La Boîte aux lettres du cimetière de Collioure, elle introduit une forme de résurrection, de passage. Comment écrire à un poète à travers les âges ? Elle donnera lieu à un film documentaire de François Fourcou. « Ma famille avait installé une boîte aux lettres sur la tombe de Machado. On écrivait à un mort. Bon, ce n’est pas tous les jours que tu écrivais à un mort. Mais ensuite il fallait répondre au courrier que tu recevais ! »
Le langage est bien sûr omniprésent. D’abord sous forme de malentendu, d’incorrection, de confusion. Boudin et bon dieu, Moscou et Mouche, mosca dit en occitano-catalan, Jean Jaurès y devient la poutre de la paix, au lieu de l’apôtre. Un monde qui, malgré sa dureté, devient peu à peu magique aux yeux et aux oreilles de l’enfant qui invente une sorte de mont Olympe de ses propres divinités familiales. La tante Hirondelle borgne, la mère boiteuse, la grand-mère philosophe… On trouve aussi un sorcier, Santamaria, ressemblant étrangement à celui de Carlos Castaneda. Il crée des bijoux...
Dossier
Serge Pey
Raconter le poème autrement
mai 2021 | Le Matricule des Anges n°223
Double parution : un essai sémantique et la réédition en poche de récits d’enfance et de guerre.
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