Combat (1941-1974) : Une utopie de la Résistance, une aventure de presse
Souvent, on associe Combat au seul nom d’Albert Camus. Si liée qu’elle soit à cette emblématique figure, l’histoire du journal né de la Résistance ne s’y réduit pas, loin de là : bien d’autres personnalités y ont officié, longuement ou de façon épisodique, qu’il s’agisse de Bernanos, Raymond Aron, Henri Calet, Nadeau, Roger Grenier, Matzneff… Tous, à leur manière, ont fait Combat. Non sans mal ni malentendus comme le raconte très bien cette monographie signée Yves Marc Ajchenbaum, un ancien du Monde qui nous avait donné, en 2000, la correspondance entre Camus et Pascal Pia. Ce dernier, justement, aura été le principal artisan de l’influence de Combat.
Au vrai, dans l’histoire du journal, il y a peut-être moins un avant et un après Camus qu’un avant et un après Pia (tous deux quittent le journal en 1947 mais pour des motifs différents). C’est lui l’âme véritable du titre. Quand Pia se retire de la direction, le journal entre alors, et pour n’en plus jamais sortir, dans toutes sortes de démêlés politico-managériales. Il s’éloignera progressivement de l’idéal qui l’animait à sa fondation, à Lyon, pendant l’Occupation : être le fer de lance d’une autre façon de faire et de vivre la politique. Documentation fouillée et témoignages d’anciens collaborateurs à l’appui, Ajchenbaum restitue précisément le quotidien et les engagements du journal que dirigeront notamment, après l’ère Pia, Louis Pauwels ou Philippe Tesson. Passant du trivial (un journal est une trésorerie) aux enjeux de politique intérieure et internationaux (l’Algérie, la Guerre froide), l’auteur montre comment, sur trois décennies, Combat passe de l’ombre (simple feuille clandestine à l’origine) à la lumière (« au grand jour dans Paris libéré de la honte », écrit Camus) puis, de nouveau, à l’ombre, quand le rideau tombe, après bien des sursauts, sur cette aventure de presse. Le journal, qui aura marqué des générations de lecteurs, cessera de paraître en août 1974. Il hante encore ceux qui se font une certaine et haute idée du journalisme.
Anthony Dufraisse
Combat 1941-1974 :
« Une utopie de la Résistance, une aventure de presse »
Yves Marc Ajchenbaum
Folio, 596 p., 9,30 €