Le bonheur est-il à portée de médicament, et plus généralement, le plein épanouissement de la personne est-il souhaitable ou tout simplement possible ? Le roman philosophique de Dirk Wittenborn, qui est aussi scénariste et producteur, aborde sans complexe toutes ces questions. L’écrivain, qui a notamment travaillé pour le talk-show américain Saturday Night Live, n’a visiblement pas voulu traiter le sujet de manière académique. C’est par la vie tragi-comique d’un psychologue des années 50, le docteur Friedrich, qu’il rend compte de sa réflexion. Le thérapeute, enseignant à l’université de Yale, cherche à tester les effets d’une plante indigène censée soigner les dépressions et, mieux, permettre à l’être humain d’atteindre une sorte d’ataraxie bienfaisante. Au laboratoire, les problèmes arrivent vite : « Comment vous disposez-vous à déprimer les rats ? Vous allez leur donner une enfance malheureuse ? Une carrière dans l’impasse ? ». Le récit des expériences pratiquées sur des étudiants permet à l’auteur de dresser un tableau historique de la psychologie avec de nombreuses anecdotes insolites (comme les pratiques du docteur Cotton qui pensait guérir ses patients en leur arrachant des dents et en prélevant des organes prétendument infectés). Dirk Wittenborn montre également comment les années 50 se nourrissent d’un bonheur factice, fait de consumérisme et d’un culte aveugle à l’individualisme. Friedrich, chercheur atypique et solitaire, mène une véritable lutte intérieure, entre ses convictions rebelles et la pression exercée par ses contemporains. Ceux-ci rêvent de le voir se fondre dans le moule commun. Un grain de sable du nom de Casper Padrak, un « obsessionnel compulsif avec des tendances schizophrènes marginales » vient tout remettre en question. Dès lors, le roman bascule dans une seconde partie tout aussi captivante aux accents de thriller carcéral et psychotique à la Shutter Island de Dennis Lehane. Et le bonheur dans tout ça ? Il passe comme au second plan : un horizon, lointain idéal, bi
le remède et le poison
De dirk wittenborn
Traduit de l’américain par Josée Kamoun, Points, 529 p., 7,60 €
Poches Le remède et le poison
juillet 2010 | Le Matricule des Anges n°115
| par
Franck Mannoni
Un livre
Le remède et le poison
Par
Franck Mannoni
Le Matricule des Anges n°115
, juillet 2010.