Les belles histoires naissent aussi sur les planches. C’est au festival Premières, associant le TNS et le Maillon, que les éditions La Dernière goutte doivent leur existence. Ce soir-là, de juin 2006, Simon Delétang adaptait Petit camp de Pierre Mérot. Nathalie Eberhardt (notre photo) et Christophe Sedierta sortent du théâtre bouleversés. « Il fallait passer à l’acte. Défendre des textes pareils, envers et contre tout. » Sans aucune expérience de l’édition, - l’une est prof de philo, l’autre juriste -, le couple crée une Sarl. Le logo - un copiste brandissant une goutte d’encre - annonce la couleur : il s’agira de publier une littérature volontairement mordante et frondeuse. Une première salve de romans sort en février 2008. Tirés à 2000 exemplaires. Le catalogue compte aujourd’hui huit titres. Cinq fictions françaises, trois étrangères. « Nous cherchons des textes toniques qui sapent les conformismes », explique Nathalie Eberhardt. À l’image de l’œuvre iconoclaste de Jacques Sternberg que la jeune maison réédite (Le Délit et Un jour ouvrable). « La qualité première d’un livre n’est pas de plaire », ajoute cette amoureuse des lettres germaniques (Jelinek, Musil) pour qui Strasbourg est avant tout « un accès aux trésors de la culture allemande ». C’est du reste grâce à un antiquaire de Hambourg que La Dernière goutte a publié son texte le plus poignant : Mes enfers de Jakob Elias Poritzky (1876-1935). Ce long cri d’un inconsolé qui rêva sa mort ravit d’ailleurs Enrique Vila-Matas, si l’on en croit une de ses chroniques parues dans El País. Depuis deux ans, Nathalie et Christophe apprennent le métier. Après Calibre, « une mauvaise expérience », puis le dépôt de bilan d’Hypérion, leur diffusion-distribution est maintenant assurée par Pollen-Litteral. Et leur domaine de langues s’étend : ce mois-ci ils font paraître Les Enfants disparaissent de l’Argentin Gabriel Báñez, puis en mars Casa Balboa de Mario Rocchi, chronique d’un désordre ordinaire sous l’Italie berlusconienne. Du coup, l’Alsace s’agrandit.