Ce beau roman est l’évocation du souvenir d’un être cher par une petite fille de 10 ans. Lou raconte sa rencontre avec Fanny, les instants qui ont bouleversé sa vie d’enfant jusque-là à l’écart du monde. Elle accueille cette métamorphose comme une évidence. « On l’a su tout de suite. Dès les premiers mots entre nous. Il n’y a pas d’explication à ça. Et, plus tard, on se l’est promis : c’est pour la vie. Entière. »
L’écriture de Kéthévane Davrichewy donne à cette évocation en partie onirique le sentiment d’un doux mouvement ondulatoire qui rappelle la majesté des animaux de la savane (la lionne, la gazelle), souvent évoqués dans les rêves éveillés des petites filles. Les phrases courtes, un seul mot parfois, contiennent toute la beauté des émotions de Lou. Les mots glissent, apparaissent furtivement comme chuchotés dans un souffle. « Nous deux, c’est une chance. Il y a plein de gens dans le monde à qui ça n’arrive jamais. (…) Et moi, ça m’est arrivé. Fanny. »
Un jour tout bascule, Lou n’aura plus aucune nouvelle de son amie. La séparation est brutale. L’annonce de la mort de Fanny lui fait l’effet d’une gifle magistrale et l’oblige à affronter la dure réalité : devoir vivre sans elle. La brièveté des phrases prend alors à ce moment du récit une autre dimension. Elle traduit la difficulté de Lou à respirer, à retrouver son souffle. Le rythme s’emballe, plus rapide, plus saccadé, jusqu’à l’apaisement final.
J’aurai une ferme en Afrique est un récit d’une grande force émotionnelle. Écrit tout en retenue, il dévoile les sentiments de Lou avec une infinie délicatesse et sans tristesse.
J’aurai une ferme en Afrique
de Kéthévane Davrichewy
L’École des loisirs, « Mouche », 45 pages, 6,50 €
Jeunesse In memoriam
octobre 2005 | Le Matricule des Anges n°67
| par
Malika Person
Un livre
In memoriam
Par
Malika Person
Le Matricule des Anges n°67
, octobre 2005.