En 1946 paraît, dans l’hebdomadaire américain The New Yorker, un article qui va bouleverser les idées sur la Seconde Guerre mondiale et l’utilisation de la bombe atomique. Le journaliste américain John Hersey s’est en effet rendu à Hiroshima d’où il a ramené six témoignages absolument essentiels pour comprendre les conséquences du largage de Little Boy, nom donné à la première bombe A. Plus qu’un simple collage de propos collectés, Hiroshima est un véritable travail d’écriture qui enrichit considérablement les faits. Admirablement composé, Hersey passe, presque d’une phrase à l’autre, des bilans chiffrés au vécu des témoins, des considérations philosophiques et morales à la description de la vie quotidienne des rescapés, qu’il a d’ailleurs interviewés à nouveau en 1985. Ce faisant, il mêle la perspective historique au travail du journaliste. À la différence des images indispensables qui figent l’horreur, le livre de John Hersey libère une parole. Il démythifie et humanise. Le docteur Sasaki lutte ainsi quotidiennement pour sauver les malades irradiés. La famille Nakamura essaie tout simplement de se loger. Tous ont entendu la première intervention radiophonique de l’empereur nippon qui annonce la fin de la guerre. L’empereur qui parle au peuple, une révolution en soi. Un bouleversement qui touche même le vocabulaire : pour ne pas porter offense aux défunts, les rescapés sont nommés « hibakusha », terme neutre qui signifie « ceux qui ont échappé à l’explosion ». Traduit en français dès 1946 par les éditions Robert Laffont, Hiroshima agite toujours les consciences.
Hiroshima de John Hersey
Traduit de l’américain par Georges Belmont et Pascale Haas, 10/18, 204 pages, 7,80 €
Poches Hibakusha et les autres
juillet 2005 | Le Matricule des Anges n°65
| par
Franck Mannoni
Un livre
Hibakusha et les autres
Par
Franck Mannoni
Le Matricule des Anges n°65
, juillet 2005.