Tout commence en 2003 à Bordeaux. Mais la rencontre entre David Vincent et Nicolas Etienne remonte à quelques années auparavant sous l’enseigne d’une chaîne de librairie anglo-saxonne dont le nom évoque la vierge. Les deux hommes lient connaissance et se mettent d’accord sur deux choses : créer une maison d’édition, et s’avouer mutuellement leur fainéantise. C’est donc dans la confiance d’un écoulement fertile du temps qu’ensemble ils affinent leur approche de l’édition. Si l’un poursuit son activité dans la plus grande librairie indépendante de France (donc toujours à Bordeaux), l’autre s’oriente vers le graphisme (et la musique aussi) : la vie est bien faite. Et puis il y a une autre rencontre : les éditions Finitude, nouveau-né qui rapidement leur confirme que de bons choix littéraires peuvent rencontrer plus que des échos. Aujourd’hui, cette autre maison d’édition (également bouquiniste) les diffuse. En 2002, on se décide à publier, mais ce n’est qu’un an après que David Vincent et Nicolas Etienne trouvent le nom d’une telle aventure : L’Arbre vengeur, un nom pris à une bande dessinée. « Un livre peut être la vengeance d’un arbre », précisent-ils… Première publication : Une volupté nouvelle, un titre rare de Pierre Louÿs. D’emblée, tout leur réussit : le tirage s’épuise et eux aussi, financièrement surtout. « Au début on voulait publier un Marc Petit. Une nouvelle, un court récit. Et puis on a d’abord décidé de tester, et nous tester, sur une réédition d’une rareté », confie David Vincent. Et d’ajouter : « C’est très difficile de vendre un livre, et c’est un tout autre métier que la librairie. » Aveu important de la part d’un libraire… « L’idée était de faire un petit livre, d’essayer une maquette », ajoute Nicolas Etienne. « Et aussi de ne pas se mettre sur la gueule en cas de difficulté. Ce texte nous a plu : une femme revenue de l’antiquité rencontre un écrivain qui ressemble à Pierre Louÿs. Ils comparent leurs civilisations. Aucune nouveauté pour cette femme, et peu d’arguments valables de la part du »moderne« . Finalement, au moment de renoncer, la jeune femme découvre la cigarette et c’est une révélation. » Six mois à faire la maquette, une couverture sérigraphiée, des livres à plier, à coudre : c’est le « début du cauchemar », dixit David Vincent. Et le désir très vite de s’en remettre à un imprimeur.
Les deux Bordelais ont un principe : « Pour nous, éditer aujourd’hui signifie deux choses essentielles : d’abord on est éditeur si on publie des contemporains, c’est l’axe à développer, et publier des livres ne suffit pas : il faut les vendre. » L’Arbre vengeur est donc passé à des tirages de huit cents exemplaires avec la réédition d’un Remy de Gourmont et des nouvelles de Paul-Jean Toulet (1867-1920). Et puisqu’il s’agit d’éditer des vivants, Conférence alimentaire de Jean-Yves Cendrey impose d’emblée une vraie rencontre. Texte remarquable en reflet de Lettre au père de Kafka, ce texte pour lequel l’auteur fut « payé cinq cents francs » lors d’un colloque, raconte le rapport de l’écrivain à son père. Les deux jeunes gens confient, presque timides, qu’ils aimeraient publier Jean-Marc Aubert, Odile Massé, Éric Chevillard, ou Alain Fleischer. Sous la main, en attendant, des rééditions de Jules Renard, Léon Bloy, Italo Svevo ou Octave Mirbeau et l’édition d’un voyage à New York de Sinisgalli traduit par Thierry Gillibœuf. Et aussi un autre principe : de ne pas demander de l’argent aux institutions pour l’instant, faire ses preuves d’abord. Pas si fainéants que ça…
L’Arbre vengeur 99 rue Mandron 33000 Bordeaux arbre.vengeur@free.fr
Diffusion/distribution : Finitude (05.56.79.23.06.)
Vie littéraire Premières branches
mars 2004 | Le Matricule des Anges n°51
| par
Maïa Bouteillet
L’Arbre vengeur a débuté son aventure éditoriale avec Pierre Louÿs. Et ne masque pas ses ambitions : publier des contemporains.
Premières branches
Par
Maïa Bouteillet
Le Matricule des Anges n°51
, mars 2004.